Parcours du combattant

C’est la voix de ceux qui ont été spoliés et déportés et de tous ceux qui n’ont rien pu en dire ni en faire, si ce n’est enfouir très profondément leur blessure. » C’est par les mots emplis d’émotion de Marion Bursaux, lors de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, que s’ouvre le troisième épisode d’À la trace. De fait, il est abondamment question de voix dans cette série de podcasts produite par le ministère de la Culture pour rendre compte du travail minutieux mené par sa Mission de recherche et de restitution. Au cours des six épisodes, on entend ainsi les voix de chercheurs, de généalogistes, de conservateurs, mais aussi d’ayants droit et même, magie du documentaire, de victimes de spoliations disparues il y a fort longtemps. Les épisodes, écrits par Léa Veinstein et contés par Florence Loiret-Caille, parviennent en effet à faire parler les archives et les correspondances avec finesse et éloquence. Récits, sources, temporalités et générations s’entrecroisent ainsi sans cesse, témoignant du déroulé de ces enquêtes tortueuses, et donnent chair aux protagonistes de ces histoires tragiques, parfois kafkaïennes. Il aura ainsi fallu attendre 77 ans après la spoliation dont a été victime Mathilde Javal pour que son arrière-petite-nièce se voit enfin restituer deux natures mortes du XVIIe siècle. Entre-temps, ces tableaux ont été stockés en Moravie, où ils ont échappé in extremis à un incendie à la fin de la guerre, avant d’être récupérés par l’Armée rouge puis les troupes américaines et d’être rapatriés en France. À leur retour à Paris, l’État ne parvient cependant pas à retrouver par les propriétaires à cause d’une erreur de transcription d’un nom sur une fiche d’identification. Les deux tableaux, classés MNR, sont déposés au Louvre. Ils y resteront jusqu’à ce que les archivistes croisent les sources et percent enfin le mystère. Passionnant.