Conservateur du patrimoine, spécialiste des arts décoratifs, en particulier du XIXe siècle, Olivier Gabet livre dans Un marchand entre deux Empires, le récit d’une passion et d’un engagement pour l’art : celui d’Élie Fabius (1864-1942), antiquaire parisien du début XXe siècle (et grand-père de Laurent Fabius).
Face à la carence des études sur l’histoire du marché de l’art, cet ouvrage présente les résultats de recherches fouillées fondées sur des entretiens avec les descendants. L’étude s’appuie sur une somme d’archives compilées – correspondances, livres de comptes, catalogues de vente et d’exposition pour la plupart reproduits au fil du texte.
Atmosphère pourprée
Entrecroisant les souvenirs d’une vie à l’histoire des maisons de ventes, des antiquaires et du quartier Drouot, le récit débute dans les premières années de la IIIe République pour se clore sur les années noires de l’Occupation, alors que trafic d’œuvres d’art, spoliations et liquidations forcées, parmi autres violences, font le quotidien d’un marchand juif. Si le texte fait parfois se juxtaposer, tel un catalogue, les noms d’œuvres vendues, convoitées ou amassées, son style entraîne le lecteur dans l’atmosphère pourprée et aristocratique des collectionneurs et amateurs d’art du XXe siècle commençant.
Issu d’une famille juive lorraine, Élie Fabius appartient à l’une de ces grandes dynasties d’amateurs et antiquaires qui ont contribué à modeler le goût français et le visage du marché de l’art, à une époque où celui-ci ne faisait pas la « une » des journaux, ni ne battait des records sensationnels. Cette flânerie amoureuse dans la France des antiquaires, experts et collectionneurs rencontre les univers de Paul Marmottan, Georges Wildenstein, Arthur de Rothschild ou Sacha Guitry. Entre stratégies marchandes et amour de l’art se lit, au fil des mots, l’inclination atypique et croissante d’Élie Fabius pour le XIXe siècle, et tout particulièrement pour les arts décoratifs Empire. La chronique de la constitution progressive de cette spécialité « impériale » replace à juste titre le rôle des collectionneurs dans l’histoire du goût. La ténacité et l’audace avec lesquelles Fabius a défendu les objets d’art napoléoniens relèvent d’une posture quasi politique, dans un monde où la mode aristocratique, empreinte de républicanisme, exaltait l’esthétique frivole du XVIIIe siècle. L’influence significative des marchands dans les changements d’appréciation des œuvres d’art est ici bien mise en exergue. Le rôle d’expertise de Fabius, qui était mandaté par les musées nationaux lors de plusieurs ventes aux enchères, et contribua ainsi à l’enrichissement des musées français ou américains, atteste de l’apport effectif du marchand dans l’histoire de la mode. « Souvenirs du Prince impérial » est une exposition organisée par le Musée des Arts décoratifs en 1935 au pavillon de Marsan, à partir, notamment, des collections d’Élie ; le monde des musées témoignait de sa reconnaissance pour l’homme au travers de cet intérêt inédit pour l’art du XIXe siècle.
Olivier Gabet, Un marchand entre deux empires. Elie Fabius et le monde de l'art, éd. Skira Flammarion, 2011, 158 p., 35 euros, ISBN 978-2-0812-5550-0.
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Olivier Gabet - Un marchand entre deux empires. Elie Fabius et le monde de l'art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : Olivier Gabet - <em>Un marchand entre deux empires. Elie Fabius et le monde de l'art</em>