L’œuvre de Miró est trompeuse ; par la séduction immédiate du joyeux cosmos de formes organiques qui la peuplent, par ses jeux poétiques, ses mots-signes, les jaillissements d’humour et la liberté qu’on y décèle, on pourrait n’y voir que fantaisie païenne et primesautière, une sorte de surréalisme clair.
C’est de tout autre chose qu’il s’agit, et que Rémi Labrusse nous fait découvrir dans un remarquable et passionnant ouvrage. Proche de Bataille, Masson, Artaud, Leiris, sensible aux poétiques du mythe de son temps, Miró chercha avant tout à « assassiner la peinture », à explorer un « réalisme magique » d’une violence quasi archaïque, très différent des recherches formalistes des cubistes et des incongruités littéraires de la plupart des surréalistes. Fasciné par l’art extra-européen et les primitifs catalans, admiratif de l’œuvre de Picasso, de Matisse, de Kandinsky, il chercha à explorer l’invisible et à transcrire la « réalité profonde et objective » des choses par le truchement de la pulsation des formes et des couleurs agissant comme les instruments d’une « révélation intime et transfigurante ». Cette violence quasi archaïque se double d’une introspection critique et d’un mysticisme certain entretenus par la lecture de Nietzsche, de Jean de la Croix et de saint Augustin.
Sa recherche d’une vibration spirituelle, son désir quasi métaphysique de « traversée des formes par l’embrasement fou de toutes leurs modalités », font de lui l’interlocuteur privilégié des poètes – de Desnos à René Char et Jacques Dupin.
S’attachant essentiellement aux années 1920-1942, Rémi Labrusse propose un déchiffrement lumineux des œuvres, des échappées fascinantes vers les mythes et les enjeux du temps, un portrait pénétrant et sensible du peintre qui se partagait entre Paris et sa Catalogne natale.
Rémi Labrusse, Miro : un feu dans les ruines, Hazan, 2004, 304 p., 152 ill., 30 euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Miró : un feu dans les ruines
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : Miró : un feu dans les ruines