Attendu depuis de longues années, le catalogue raisonné de l’œuvre de Signac réunit les 611 tableaux répertoriés du peintre. Il fait le point sur la production et sur l’évolution de l’homme-orchestre du néo-Impressionnisme.
Dès l’ouverture, et malgré une iconographie flamboyante, l’ouvrage déçoit. L’essai de Françoise Cachin n’est que la reprise du texte légèrement toiletté de la monographie parue à la Bibliothèque des arts en 1971. Mais l’essentiel n’est pas là. Il réside dans le catalogage de l’œuvre qui livre une information méthodique et rigoureuse. Aux données matérielles succèdent les références dans les cahiers d’opus, autres cahiers et pré-catalogues. Ainsi l’historique retrace le parcours de l’œuvre depuis sa sortie de l’atelier. La liste des expositions permet ensuite de suivre la diffusion et la réception de l’œuvre. Fruit d’un travail imposant, elle souligne l’importance que revêtait chaque toile aux yeux du peintre. La bibliographie offre quant à elle une somme de références utiles. Enfin, la mise en relation des œuvres oriente le lecteur vers quelques projections dans le domaine graphique lequel n’est pas couvert par le présent ouvrage. Ce catalogue raisonné est un outil fondamental pour mieux cerner une œuvre qui a tenté nombre de faussaires (surtout dans le domaine des aquarelles, hélas ici absentes).
Au scientifique, il livre aussi son lot d’informations : il est possible de suivre pas à pas – généralement au mois près – l’évolution de la démarche picturale d’un Impressionnisme convenu, jusqu’en 1884 lorsque, au contact de Seurat, Signac ordonne davantage sa facture jusqu’à adhérer au “chromo-luminarisme”. L’évolution de Signac se décline ainsi jusqu’aux dernières œuvres de 1934, livrant un parcours dont le caractère stéréotypé passe d’une modernité radicale à un immobilisme conservatoire sinon conservateur.
Une machine conçue pour détrôner l’Impressionnisme
D’apparence documentaire, la troisième partie de l’ouvrage, consacrée à la chronologie, livre une masse exceptionnelle de renseignements. Les archives Signac ouvrent leurs secrets sur quelques années essentielles qui assistent à la transformation du “chromo-luminarisme” de Seurat en un néo-Impressionnisme défini par les deux stratèges que furent Félix Fénéon et Paul Signac. Les lettres mentionnées sont riches en informations, mais elles n’apparaissent qu’en fragments, soulignant l’intérêt qu’il y aurait à publier la correspondance de ces années-là. À travers ces échanges épistolaires, on assiste à la mise en place d’un esprit collectif – pour lequel Seurat témoigne une réelle aversion – qui est l’œuvre de Signac. À lire les lettres ainsi évoquées, il apparaît bien que le néo-Impressionnisme, machine conçue pour détrôner cet Impressionnisme que Pissarro qualifiera de “romantique”, a constitué le premier mouvement d’avant-garde au sens où l’entendra le XXe siècle. Faut-il lier cette évolution sociologique à l’immobilisme d’un style érigé en principe ? La question apparaîtra sans doute au cœur de la rétrospective Signac qui s’ouvrira en mars prochain au Grand Palais.
- F. Cachin avec la collaboration de M. Ferreti-Bocquillon, Signac. Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Gallimard, 432 p., 139 ill. couleurs et 834 noir et blanc, 750 F (jusqu’au 31 janvier 2001) puis 850 F. ISBN 2-07-011597-6.
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L’œuvre au point
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°117 du 15 décembre 2000, avec le titre suivant : L’œuvre au point