L’exposition, dont la structure et le rôle ont profondément évolué au vingtième siècle, est un phénomène complexe dont l’histoire reste à écrire. En attendant, ce recueil documente et analyse une trentaine de manifestations importantes.
Au dix-neuvième siècle, les Salons officiels furent remis en cause par les artistes eux-mêmes qui, percevant de mieux en mieux les enjeux des grandes expositions, s’en firent les maîtres d’œuvre. Pour les avant-gardes, les expositions collectives firent d’emblée partie intégrante d’une stratégie qui justifiait toutes les métaphores militaires. La Sécession à Vienne, le Futurisme en Italie, le Constructivisme en Russie, Dada aux quatre coins de l’Europe, le Surréalisme à Paris : autant de batailles, relatées dans ce volume, qui ont profondément marqué le siècle. Parallèlement au développement des médias, qui s’en font les relais empressés, les expositions vont façonner les règles de la réception de l’art moderne. Exemplaire entre toutes, et d’un retentissement considérable, l’exposition de l’Armory Show, en 1913, dont Milton Brown explore ici le mécanisme et la légende.
Un art à part entière
Ce recueil collectif, qui fait apparaître des fluctuations significatives, en particulier quant au rôle de l’artiste, est parfaitement justifié. Dans son excellente introduction, Katharina Hewisch décrit les enjeux de ce qui est même peu à peu devenu un art à part entière, quand les “commissaires”, maîtres d’un discours historique et esthétique, commencent à rivaliser avec l’artiste et proposent à leur tour une vision du monde partiale. À partir de “Quand les attitudes deviennent forme” à Berne, en 1969, la figure d’Harald Szeemann domine la scène européenne et, pour le meilleur et pour le pire, suscite une vive émulation. Comme pour résister aux effets pervers de ces grands-messes, les artistes ont, à l’instar de Courbet, souvent repris individuellement l’initiative. On trouvera dans ce volume l’évocation de celles d’El Lissitzky, Lucio Fontana, Yves Klein, Claes Oldenburg ou encore Joseph Beuys, qui surent trouver les palliatifs appropriés aux carences institutionnelles.
Car les apports essentiels et l’enthousiasme qu’ont pu susciter telle ou telle manifestation ne sauraient faire oublier les risques encourus par l’art lui-même, surtout aujourd’hui. “Les médiateurs ont triomphé, écrit Katharina Hewisch. Grâce à des décennies d’efforts pour faire accéder tout le monde à tout, pour ouvrir et rendre proche, ils ont fabriqué un public qui admet que tout s’explique et que, donc, tout se pardonne.” La perspective critique de l’auteur est aussi juste qu’indispensable. Mais il est alors d’autant plus étonnant que, en ce qui concerne les expositions les plus récentes, il ait été fait appel aux organisateurs eux-mêmes (G. Celant, H. Szeemann, A.B. Oliva ou J. Hoet) qui, par la force des choses, sont loin de répondre à l’exigence analytique qui prévaut dans les précédents chapitres.
Collectif sous la direction de Bernd Klüser et Katharina Hewisch, L’art de l’exposition, éditions du Regard, 430 p., 195 F. ISBN 2-84105-003-3.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : L’exposition exemplaire