C’est à leur modestie apparente que l’on reconnaît les grands livres d’histoire. Pour écrire du neuf sur Versailles, William Newton s’est contenté de reprendre les plans des bâtiments, d’aller aux sources et de faire parler l’architecture : dix ans de recherches d’archives et de lecture des mémorialistes, pour la période des trois règnes où Versailles fut le centre de la France.
Le résultat est stupéfiant : pour chaque appartement, chaque cabinet, à tous les étages de l’immense vaisseau, sans oublier les « trous à rat » à côté des « lieux communs » qui puent sous les combles, l’historien américain est parvenu à connaître la place exacte de chacun, du duc et pair au dernier cireur de parquets. L’index prosopographique de l’ouvrage donne la liste exhaustive et commentée de tous ceux qui, à un titre ou un autre, ont dû habiter Versailles. Ce travail n’avait jamais été fait. On se perd avec délice dans les rivalités de voisinage, la toute puissance de la « rue de Noailles » dans l’aile nord, la place qu’il faut faire aux nouvelles favorites. Coteries politiques et cercles spirituels se partagent un espace qui se fractionne, se fracture aussi. Les héritiers des croisades se battent dans des « guerres de croisées ». Une fenêtre de plus, c’est du pouvoir. Une cheminée ou un évier, ce ne sont pas des éléments de décor ou de confort, mais des marques de puissance. On apprend en rêvant l’existence des « chaises volantes », ascenseurs à bras, parfois secrets, permettant des circulations interdites et qui peuvent laisser des dames entre ciel et terre, dans des « puits », durant des heures. Les lois, codes et rituels qui régissaient la gravitation universelle autour du roi de France auront attendu l’an 2000 pour trouver leur Newton.
William Ritchey Newton, L’Espace du roi. La cour de France au château de Versailles 1682-1789, éd. Fayard, 592 p., 295 F, ISBN 2-213-60205-0.
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L’Espace du roi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°518 du 1 juillet 2000, avec le titre suivant : L’Espace du roi