« Je m’appelle Niki de Saint Phalle, et je fais des sculptures monumentales. » « Je suis Jean Tinguely, et je fais des machines qui ne servent à rien.
» « Duos d’artistes », la nouvelle collection de documentaires programmée à partir de février dans l’émission Passage des arts sur France 5, consacre un premier épisode à l’un des couples les plus improbables du XXe siècle : Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, « la fée et le machiniste ». Si le film revient sur les nombreuses œuvres communes des deux sculpteurs, dont Le Paradis fantastique, réalisé pour l’Exposition universelle de Montréal en 1967, Hon (Elle), immense nana dans laquelle les visiteurs du Moderna Museet pénétraient par le vagin en 1966, et Le Cyclopà Milly-la-Forêt, le documentaire s’attarde sur l’équilibre de la relation, tantôt amoureuse, tantôt électrique mais toujours complémentaire, des deux époux. « Il y a de la tension parce qu’il y a deux caractères forts, et deux caractères passionnés. Cette tension, cette rivalité, cette violence a permis finalement d’enrichir mutuellement leur art », analyse le psychiatre Thierry Delcourt, qui qualifie leur partenariat de « cocréation géniale ». Celui-ci ajoute même que, loin d’être destructrice, cette violence fut au contraire « créatrice ». Niki et Jean, l’aristo et le prolo, « ce sont deux artistes qui ont une vision explosive de l’art, qui veulent en découdre, qui sont dans la bagarre permanente contre le monde tel qu’il est », rappelle Catherine Francblin, biographe de Niki de Saint Phalle. La révolte fut également le moteur d’Yves Klein et d’Arman, autre duo auquel Passage des arts consacre, toujours sur France 5, une soirée en février. « Je ne suis pas un révolutionnaire, je suis un révolté », précise Arman face caméra. Posture que le sculpteur a en commun avec Klein, son ami et complice, avec lequel ils se partagent l’univers un jour de l’été 1947 : au premier l’infini et le bleu du ciel, au second la Terre et ses richesses matérielles. « Quel est le rôle de l’artiste dans la société », lui demande un journaliste ? « On a dit que c’était de donner à voir. Je crois que c’est de plus en plus donner à penser », répond Arman. Qu’il s’agisse des Colères de ce dernier ou des Tirs de Niki, l’œuvre des Nouveaux Réalistes donne à penser le monde en plein bouleversement : l’après-guerre, l’hyperproduction, la surconsommation, la place des femmes et des minorités… Chez Arman et Niki de Saint Phalle, comme chez Yves Klein et Jean Tinguely, la révolte gronde dans l’échange de leurs compagnonnages, d’une amitié ou d’un amour. À la vie, à la mort.
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Les révoltés de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°731 du 1 février 2020, avec le titre suivant : Les révoltés de l’art