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Gravure

Les histoires en images de Lynd Ward

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 24 novembre 2020 - 393 mots

La narration passe-t-elle nécessairement par le verbe ? Au début du siècle dernier, cette question a taraudé un certain Lynd Ward (1905-1985).

L’éclaireur. récits gravés de Lynd Ward, éd. Monsieur Toussaint Louverture
L’éclaireur. récits gravés de Lynd Ward
© éd. Monsieur Toussaint Louverture

Illustrateur d’ouvrages de bibliophilie et de livres pour enfants, ce dernier est également l’auteur, entre 1929 et 1937, d’une série de romans graphiques qui ont marqué le genre. À l’université Columbia à New York, où Lynd Ward étudie les beaux-arts, un professeur ne cesse de marteler que le récit est l’ennemi de l’art. Sa surprise est donc grande lorsqu’il découvre, au mitan des années 1920, le travail d’Hogarth, sévère chroniqueur des mœurs anglaises au XVIIe siècle, et celui de Daumier. Elle l’est plus encore lorsqu’il rencontre l’œuvre de Frans Masereel (1889-1972). En 1926, Ward part étudier la gravure sur bois en Allemagne. C’est là, chez un bouquiniste de Leipzig, qu’il découvre Le Soleil, une allégorie en 63 bois gravés publiée en 1919 par le graveur belge. La série raconte l’histoire d’un artiste dont l’esprit s’évade pour tenter de rejoindre la lumière. Pour cela, Masereel n’utilise aucun mot ; la transmission du récit passe entièrement par le visuel. C’est la révélation. Ward se met à la réalisation d’un premier roman graphique de 139 bois gravés qui paraîtra en 1929, la semaine du krach de la Bourse de New York. Gods’ Man raconte, lui aussi, l’histoire d’un artiste, mais qui signe cette fois un pacte avec la mort en échange de la gloire. « L’homme des dieux » est un succès : le livre paru chez Cape & Smith se vend à 20 000 exemplaires. Il est suivi en 1930 par Madman’s Drum, une intrigue plus complexe en 118 bois gravés, puis par trois autres romans jusqu’à Vertigo (1937), chef-d’œuvre qui, en 230 xylographies, raconte les effets de la grande dépression. Outre la parfaite maîtrise du récit comme de la technique de la gravure, Vertigo montre combien son auteur a intégré, probablement lors de son passage en Europe, les esthétiques expressionnistes et de la Nouvelle Objectivité. Ces six livres, merveilles de la gravure, sont aujourd’hui réunis dans un somptueux coffret de trois ouvrages reliés, aux éditions de l’Éclaireur, dont il faut saluer la qualité de l’impression (par l’utilisation d’un noir profond) comme le respect des œuvres (reproduites dans leur format original). Ward « avait un respect infini pour le livre », écrit Art Spiegelman dans sa postface au coffret. Celui-ci ne pouvait pas mieux respecter Lynd Ward.

L’Éclaireur. Récits gravés de Lynd Ward,
éd. Monsieur Toussaint Louverture, 1456 p., 65 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : Les histoires en images de Lynd Ward

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