Le titre de l’ouvrage d’Étienne Jollet, Les Clouet , évoque aussi bien les deux grands artistes de la cour des Valois que leur abondante production, longtemps désignée sous ce nom générique. C’est justement le succès et la pérennité de la formule mise au point par Jean Clouet qui intéressent l’auteur et le poussent à s’interroger sur le statut de l’artiste, la manière dont étaient perçus les portraits au XVIe siècle, et les enjeux de l’image du Roi et de ses courtisans.
La salle des Valois est sans doute l’une des plus impressionnantes du Musée Condé, à Chantilly. L’effet de série domine, bien qu’à chaque fois la volonté de ressemblance soit manifeste. La présence de ces personnages historiques saisis par les Clouet père et fils, ou d’autres artistes comme Corneille de Lyon, est forte, malgré la rigidité des corps, le cadrage assez étroit et le relatif effacement des volumes. Ces paradoxes questionnent le visiteur, mais la disposition des tableaux sur toute la hauteur des murs en interdit l’examen approfondi. Quant aux dessins, pour beaucoup conservés à la Bibliothèque nationale, ils sont la plupart du temps inaccessibles.
Rien que pour cela, l’ouvrage
d’Étienne Jollet, avec ses abondantes et excellentes reproductions, ses rapprochements, ses détails en gros plan et sa documentation fournie, serait un événement. Les Clouet va bien au-delà et cumule plusieurs livres en un seul.
Les analyses de l’auteur sur la construction spatiale des œuvres, les méthodes d’élaboration des compositions, ou encore l’influence du modèle visuel du blason dans la conception des rapports entre fond et motif sont percutantes et éclairantes. Son étude des conditions de production des effigies peintes et dessinées, et de leur usage par les Grands du XVIe siècle, apporte des éléments fondamentaux pour toute histoire du portrait. Enfin, partant de l’enjeu essentiel que constitue la représentation de soi, Étienne Jollet brosse un tableau de l’évolution de l’image de l’homme dans le monde. Avec Jean et François Clouet, l’orant, placé sous le regard de Dieu, se transforme peu à peu en courtisan, soumis à l’appréciation du Roi, et plus largement d’autrui.
Étienne Jollet, Les Clouet, éditions de la Lagune, 320 p., 125 ill. coul., 75 ill. n&b, 570 F. jusqu’au 1er juin, 680 F. ensuite. ISBN 2-909752-04-6.
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Les Clouet : une leçon royale
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°60 du 9 mai 1998, avec le titre suivant : Les Clouet : une leçon royale