L’érotisme, d’Athènes à Rome.
"Je cherche à comprendre quelque chose d’incompréhensible : le transport de l’érotisme des Grecs dans la Rome impériale. Cette mutation n’a pas été pensée jusqu’ici pour une raison que j’ignore mais par une crainte que je conçois." Voilà la tâche à laquelle s’est attelé pendant trois ans Pascal Quignard. Sous le titre Le Sexe et l’Effroi, l’auteur dresse un panorama de l’évolution des mœurs, où chaque mythe, chaque représentation est disséqué, où chaque mot fait l’objet d’une longue analyse sémantique. Parrhasios aimait une prostituée, qu’il peignit nue. Les Anciens affirment qu’il a inventé la pornographia, qui signifie mot à mot "peinture de prostituée". Pourquoi les Modernes ont-ils inventé que Narcisse "s’aimait lui-même et qu’il en fut puni" ? Ils n’ont trouvé cette légende ni chez les Grecs ni chez les Romains. Quignard compare les Médée peintes par les Anciens à celle de Delacroix, pour constater qu’il ne faut pas parler d’esthétique ancienne, mais d’éthique.
Virgile définit l’amour comme "une ancienne et profonde blessure qui brûle d’un feu aveugle ou secret". Le sexe est donc pour Quignard lié à l’effroi, que Platon définissait comme premier présent offert par la beauté. "La jouissance ne peut jamais distinguer de façon absolue la peur de la pâmoison", écrit-il. Le verbe de Quignard est froid, clinique. Le stupre et la fornication, eux, jaillissent des fresques de Pompéi ou de Tarquinia, des décors de coupes attiques reproduits dans ce "beau livre".
Pascal Quignard, Le Sexe et l’Effroi, 320 pages, 150 ill. coul., Gallimard, 480 F jusqu’au 30 juin, 600 F ensuite.
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Le sexe et l’effroi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°3 du 1 mai 1994, avec le titre suivant : Le sexe et l’effroi