À l’heure où les foules se pressent aux grandes expositions, au cinéma, et où les Journées du patrimoine remportent un franc succès, pourquoi la culture est-elle aussi mal traitée par le petit écran ? Commandé en juin dernier par le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, le rapport de l’écrivain Catherine Clément fait un bilan de la situation et propose quelques solutions. Rédigé en six mois, composé d’une centaine de pages, le texte est peu chiffré et reste trop souvent flou.
PARIS - “En se privant du reflet de la vie culturelle en France, une partie de la télévision publique se décervèle elle-même sans le vouloir. Et comme personne ne néglige le formidable impact de la télévision sur les esprits, on redoute une perte de sens pour l’esprit.” Dans son rapport, remis dernièrement au ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, l’écrivain Catherine Clément fait un bilan du traitement de la culture sur les trois chaînes publiques, France 2, France 3 et France 5, regroupées sous le label France Télévision. Intitulé La Nuit et l’Été, parce que “le symptôme majeur du mal de la culture sur France Télévision tient à ses créneaux de diffusion – la nuit et l’été”, le rapport, très peu chiffré, se lit comme un roman. D’emblée, l’auteur écarte toute idée de privatisation des chaînes, et propose d’inscrire l’audiovisuel public dans le préambule de la Constitution, “au même rang, à la même dignité que l’Éducation nationale”, puisqu’il est un “devoir d’État”. Elle tente ensuite de définir la “culture”, qui se situerait “quelque part entre les savoirs, les valeurs et le culte des libertés [...]. [La culture] concerne les arts, la création, le beau”, c’est-à-dire toutes les formes de musique, peinture, théâtre, danse, arts de la rue, sculpture, architecture, installation, performance, vidéo, photographie, design, cinéma, littérature, philosophie, poésie, et ce, du documentaire à l’œuvre de fiction. Finalement, la culture, c’est “ce qui fait œuvre”, une formule suffisamment large pour n’exclure aucune forme de création. En conclusion, Catherine Clément prône la création d’une nouvelle fonction à France Télévision, celle d’“un directeur des arts et de la culture, une personne en charge du dialogue avec les arts, au même niveau hiérarchique que le directeur de la stratégie et des programmes” (actuellement responsable du dialogue avec le cinéma). Dans la deuxième partie du rapport, elle défend une plus grande indépendance des émissions vis-à-vis de l’audience, et leur diffusion à des horaires plus décents. Tandis qu’un “qualimat” est en cours de préparation, elle propose de reprendre l’article 46 de la loi du 30 septembre 1986, modifié par la loi du 1er août 2000, qui prévoyait la création d’un Conseil consultatif des programmes. Pour plus d’efficacité, les jurés qui y siègent (une cinquantaine de personnes plutôt que la vingtaine initialement prévue) pourraient être composés de membres d’associations de téléspectateurs, comme l’Association européenne des téléspectateurs et des auditeurs, Les Pieds dans le Paf ou Media télévision téléspectateurs... En ce qui concerne les horaires, de “grands événements artistiques”, préparés longtemps à l’avance, pourraient être diffusés en première partie de soirée, tandis qu’en deuxième partie, les programmes devraient commencer à 22 h 45 au plus tard et, en troisième partie, à minuit et demie. En outre, elle suggère que soit exploré systématiquement le patrimoine “matériel” français, après le Journal de 13 heures sur France 2, et qu’un magazine d’information internationale sur la création en France et dans le monde entier voit le jour, sur cette même chaîne. Plus généralement, les événements culturels devraient occuper une place plus importante au sein du Journal télévisé.
Un manque de précision
Si le rapport souligne la nécessité d’offrir aux programmes culturels de meilleurs créneaux horaires, il n’émet aucune critique sur les émissions déjà existantes, mais se félicite de l’entretien de Claude Lévi-Strauss réalisé par Guillaume Durand (“Campus”) ou de celui du chanteur Arno par Marc-Olivier Fogiel (“On ne peut pas plaire à tout le monde”). De même, aucun reproche n’est adressé à l’inutile “D’art d’art”, un programme court (une minute et demie), diffusé le vendredi entre le JT et la météo, totalement décalé par rapport à l’actualité artistique (lire le JdA n° 155, 27 septembre 2002). L’auteur reconnaît seulement que “si les programmes culturels ont du mal, c’est aussi que leur mise en scène est trop souvent vieillotte”. Baptisé le “petit miracle de la télévision”, le critique d’art Hector Obalk est remarqué pour sa prestation dans “Le Choc des cultures”, l’émission d’Anne Sinclair. Effectivement, “avec un bon passeur, n’importe quel art rencontrera son public aisément”. Au final, le rapport pèche par son manque de précision. Un recensement de toutes les émissions culturelles diffusées sur France Télévision lui manque cruellement. D’autres propositions ne permettent pas de sortir d’un système qui se mord la queue : chaque grande exposition en France ou en Europe devrait ainsi s’accompagner, selon l’écrivain, “d’un documentaire approprié, avec une préparation à l’antenne adéquate : en tout, cela fait une dizaine par an”. Quelles seraient, dans ce cas, les grandes manifestations à retenir ? Faut-il réellement parler d’événements qui jouissent déjà d’une forte popularité, au détriment de manifestations moins médiatisées ? Quant au budget attribué à la culture sur le petit écran (sujet auquel seulement quatre pages sont consacrées), il est simplement précisé qu’il est insuffisant. Pour les remèdes à apporter... Catherine Clément s’en remet au président de la République : “Pendant la dernière campagne présidentielle, vous vous êtes engagé, monsieur le président, à garantir le budget de la culture – le mot sanctuariser est de vous [...]. Dans un souci de dignité, j’ai voulu placer en commençant l’inscription de l’audiovisuel public dans le préambule de la Constitution. Cependant, sans financement suffisant, tout le monde le sait, monsieur le président, l’audiovisuel public aura du mal à suivre.”
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Le petit écran au rapport
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°162 du 10 janvier 2003, avec le titre suivant : Le petit écran au rapport