Le modernisme de Manet

L’appellation est à entendre au sens de Clement Greenberg (d’ailleurs cité à plusieurs reprises), dont Fried accepte une partie des réflexions mais en les réadaptant à l’opposition, formulée dans le premier volume, de l’absorbement et de la théâtralité. Étant donné les positions auparavant adoptées par Fried dans les deux précédents ouvrages, le lecteur ne sera pas étonné de lire sous sa plume que Manet fut « le premier des peintres modernistes-formalistes ». Mais plus intéressante est l’enquête menée par Fried pour aboutir à cette conclusion. Textes de l’époque à l’appui, l’auteur a accompli une remarquable synthèse de ce qui fut entrevu ou parfois clairement énoncé comme certains des enjeux fondamentaux de la peinture moderne, dont Manet fut le protagoniste. Même si cet essai propose moins d’analyses directes et minutieuses de peintures, il a permis a Fried (de son propre aveu) de reconsidérer à la lumière de l’œuvre complexe de Manet certaines de ses hypothèses antérieures, par exemple quant à la question de la frontalité, de la place du spectateur ou du peintre, des liens entre l’œil et le corps, ou encore du statut du tableau, thématiques qui, selon lui, se poursuivront dans la peinture du XXe siècle.