Il y a quelques années, Alain Gillis retenait notre attention avec un « petit » livre accompagné d’une exposition, chacun intitulé « Peinture d’origine ». Il y traitait de la production artistique des enfants autistes ou présentant des troubles de la communication dont il a la charge, à l’institut médico-éducatif de Chelles, en partant de la troublante proximité entre ces productions et certaines occurrences de la peinture moderne, en particulier abstraite. Avec ce nouvel ouvrage, Gillis approfondit le débat théorique autour de ces œuvres. Relèvent-elles de ce qu’on appelle art (et qui suppose, pour commencer, une volonté d’art absente chez ces enfants) ou ne sont-elles qu’une expression à l’état brut, « naturelle », au même titre qu’un cri par exemple ? Démontrant l’impossibilité d’une définition absolue et définitive de l’art, l’auteur les qualifie d’« objets esthétiquement pertinents » et s’emploie à saisir cette pertinence. La deuxième partie du livre est consacrée à l’analyse des œuvres de trois enfants. C’est là surtout que réside la beauté du livre. Car l’auteur y montre, avec une extraordinaire finesse, comment la grande cohérence formelle de ces tableaux et l’organisation de l’espace répondent à une situation bien précise, un rapport particulier du sujet à l’espace, une façon de se situer dans le monde. L’étonnante plénitude formelle de ces œuvres résultant d’une riche élaboration symbolique fait l’effet d’une parole pleine, ce dont justement ces enfants sont privés. Et la parole du psychiatre est forte d’un total engagement du regard. On ne s’étonnera pas d’apprendre qu’Alain Gillis est aussi un peintre.
Alain Gillis, Le Bazar du Génie, éditions Adam Biro, 127 p., 29 euros.
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Le Bazar du Génie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°545 du 1 mars 2003, avec le titre suivant : Le Bazar du Génie