Cinéma - Le 30 octobre 2015, pendant un concert, un incendie ravage le Colectiv, célèbre boîte de nuit de Bucarest.
Vingt-sept spectateurs périssent. Cent quatre-vingts sont évacués vers l’hôpital… Trente-sept n’en ressortiront jamais. L’histoire pourrait s’arrêter là, faire peser la res-ponsabilité du drame sur une salle vétuste. Mais une enquête journalistique va dévoiler un scandale sanitaire massif : de nombreuses victimes n’ont pas succombé à leurs blessures, mais bien à une absence de soins ou à des maladies nosocomiales. Le film d’Alexander Nanau suit divers personnages, dont Tedy Ursuleanu, belle jeune femme brûlée à 45 %. Elle se fait connaître par une série de photos déshabillées, prises par Alex Csiki. Des images qui accompagneront tout le documentaire. Elles sont d’abord exposées aux Arènes romaines, où Tedy elle-même fait tomber les draps qui les masquent. La couleur ocre, les textures floues évoquent le feu. D’autres clichés, en noir et blanc, paraissent sculptés dans la cendre. Récit d’une tragédie, ces clichés racontent aussi une survivante. Lorsque Tedy apparaît dans le film, elle se remaquille avant d’entrer dans le studio de photo. Montrer son corps, n’est-ce pas une façon d’afficher sa victoire contre la mort, se placer face à l’objectif et donc dans le temps présent ? Et, tandis que Tedy dévoile ses portraits, une doctoresse raconte qu’à l’hôpital, on recouvre les visages des patients d’un drap… alors même qu’ils ne sont pas encore morts. Le personnel hospitalier ne supporte plus d’assister, impuissant, à leur agonie.Un jeune ministre de la Santé, vaguement idéaliste, qui tente de reconstruire ce système vermoulu, a affiché un portrait de Tedy dans son bureau. Ainsi, Alexander Nanau peut revenir régulièrement, par des plans très brefs, sur le visage et le corps martyrs. Le cinéaste se fait le témoin muet des tractations et négociations, d’une partie d’échecs politique et médiatique dont Tedy est à la fois la victime et l’enjeu. D’autres photos parsèment ce film : celle des journalistes qui traquent les hommes d’affaires pourris dont l’avidité a précipité le drame du Colectiv. Images volées au téléobjectif et agrandies pour exposer au grand jour un visage qui tente de fuir sous l’ombre d’une capuche. Ces clichés et ceux de Csiki n’ont pas la même portée. Pourtant, l’artiste et le paparazzi livrent un combat commun, une lutte contre l’obscurité et pour la lumière, contre l’invisible et pour la vérité.
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L’artiste, le paparazzi et les victimes du Colectiv
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°746 du 1 septembre 2021, avec le titre suivant : L’artiste, le paparazzi et les victimes du Colectiv