Transfert des cendres au Panthéon oblige, les chaînes de télévision et l’INA s’associent à la célébration du grand homme (lire notre article p. 3). En 1974, Clovis Prévost réalise André Malraux : les métamorphoses du regard, un film essentiel, en trois parties, où l’écrivain explore notre relation avec l’art. Sous forme d’entretien, alternant avec des images d’œuvres d’art, ce document laisse entièrement la parole à Malraux.
De l’art "nègre" à l’art antique et médiéval, de Byzance à la Renaissance et enfin, à l’art moderne, Malraux ne fait jamais une démonstraton d’érudition. Si la réflexion est complexe et dense, le discours reste clair. Il affirme que nous entretenons avec l’art une relation d’ordre métaphysique."Aucun art n’est allé de l’homme au dieu, mais tous du dieu à l’homme". L’art est "un moyen d’accès à un domaine divin." Il reconnaît que "la donnée magique de l’art est fondamentale" et qu’il porte en lui une "force de talisman".
Clovis Prévost filme simplement la formulation d’une pensée. Elle passe d’abord par une voix, des mains difficilement maîtrisées, puis un regard qui roule à fleur de tête – celui que Malraux a porté toute sa vie sur l’art –, et est encore valide et juste aujourd’hui : "Notre art est un art sacré qui ne connaît pas ce qu’il sacre". Si les œuvres d’autres temps et d’autres civilisations "nous parlent" encore aujourd’hui, "une sorte de murmure (...) dont vous ne pouvez pas nier l’existence", c’est grâce à la métamorphose par laquelle "les saints sont devenus des statues, (...) les dieux ont ressuscité comme statues".
Ses interlocuteurs, Pierre Dumayet et Walter Langlois, se font très discrets. En citant ses phrases, ils déclenchent des explications, un approfondissement ou une reformulation de la problématique posée. Les séquences d’œuvres filmées en musique agissent comme une invitation à la réflexion, à une méditation sur le discours touffu de celui qui déclare : "Rendre compte de l’art est une idée folle. Ce qui est raisonnable, c’est d’essayer de pénétrer le plus possible dans la part de l’esprit qui est concernée par l’art."
André Malraux : Les métamorphoses du regard (1974), de Clovis Prévost : Les dieux de la nuit et du soleil (52 mn), le 25 novembre, Les maîtres de l’irréel (52 mn), le 2 décembre, et Le monde sans dieux (52 mn), le 9 décembre, sur Planète (rediffusions multiples).
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L’art selon Malraux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°30 du 1 novembre 1996, avec le titre suivant : L’art selon Malraux