Livre

Étude

L’Aquarelle

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 24 novembre 2020 - 355 mots

Au mieux un art de jeunes femmes, au pire une pratique de peintres du dimanche, l’aquarelle n’a pas sa place dans la hiérarchie des genres au sommet de laquelle trône la peinture.

L’aquarelle, Marie-Pierre Salé, Citadelles & Mazenod
L’aquarelle, Marie-Pierre Salé.
© Citadelles & Mazenod

Elle ne l’a, du reste, jamais eue, du moins en France, contrairement à l’Angleterre et aux États-Unis où l’aquarelle joue un rôle majeur dans la construction d’une histoire nationale de l’art. Pourtant, les plus grands artistes ont tenu la technique en estime : Dürer, Turner, Cézanne et Kandinsky. L’ouvrage que Marie-Pierre Salé lui consacre aujourd’hui pourrait bien ainsi être celui par lequel la réparation de cette injustice arrivera. L’Aquarelle retrace l’histoire chronologique de cette technique devenue genre, du dessin colorié dans les manuscrits médiévaux à la naissance de l’abstraction au début du XXe siècle – la première œuvre abstraite fut longtemps considérée comme étant une aquarelle de Kandinsky. L’étude alterne donc les chapitres dédiés à la technique (l’innovation des papiers vélin, par exemple, qui permet l’épanouissement des lavis) avec ceux consacrés à la sociologie des artistes (les sociétés d’aquarellistes, comme le rôle joué par les ateliers de miniaturistes dans la transmission des techniques) ou aux grands aquarellistes (parmi lesquels Dürer, considéré comme le premier d’entre eux). Cantonnée aux études de la nature et aux dessins préparatoires des fresques à la Renaissance, l’aquarelle va peu à peu gagner en indépendance, notamment dans le Nord de l’Europe où des artistes comme Avercamp seront à l’origine d’ensembles significatifs d’œuvres. Mais ce n’est qu’au siècle de Boucher que « la voie [s’ouvre] à la reconnaissance publique de l’aquarelle », avant d’acquérir sa liberté au XIXe siècle, avec Delacroix. Le XIXe reste d’ailleurs le siècle des grands aquarellistes, parmi lesquels Turner, Daumier, Jongkind, Boudin, Moreau ou Cézanne, qui, comme le montre Marie-Pierre Salé, a révolutionné les techniques de l’aquarelle. Mais L’Aquarelle n’est pas qu’un ouvrage de référence, c’est aussi un beau livre relié sous coffret que l’on offre, que l’on s’offre. Les plus de 400 pages imprimées sur un papier épais de teinte crème, au toucher doux et soyeux, se tournent avec un plaisir sans réserve pour admirer les 300 illustrations, toutes impeccables, retraçant aussi une histoire visuelle de l’aquarelle.

Marie-Pierre Salé,
 
L’Aquarelle,
Citadelles & Mazenod, 416 p., 189 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : L’Aquarelle

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