Internationalement reconnu depuis la publication de cet ouvrage en 1985, récemment nommé à la tête du Getty Institute de Los Angeles, Thomas Crow apparaît comme le champion d’une histoire sociale de l’art capable de renouveler notre approche des faits et des œuvres apparemment les mieux connus. L’argument de son livre est l’émergence, au sein de l’assistance composite et bigarrée du Salon, d’un public devenant acteur décisif de la scène de l’art jusqu’alors dominée par les artistes de l’Académie et l’État. L’auteur analyse avec précision les multiples ressorts politiques, les faits de société, les forces souvent antagonistes qui déterminent les fluctuations du goût, et ce dès le début du siècle avec l’apparition d’un thème artistique associé à une nouvelle pratique sociale : la Fête galante. Mais c’est surtout après le rétablissement définitif du Salon en 1737, avec les débuts (La Font de Saint-Yenne, 1747) et le développement dans les années 1770-80 d’une critique plus radicale, que le public va jouer un rôle de plus en plus important. Il devient l’instance de légitimation à laquelle les critiques contestataires de l’esthétique rococo en appellent constamment. L’enjeu de leurs attaques – l’instauration d’une peinture d’histoire « régénérée » – dépasse le domaine esthétique, et les réformes artistiques souhaitées sont l’expression directe d’une volonté de réforme sociale. Les pamphlétaires les plus virulents (Carmontelle, Gorsas, Marat, Brissot...) sont des « leaders d’opinion » qui préparent la Révolution. Pour eux, la peinture « devient l’instrument désigné pour ouvrir les yeux à un peuple abusé par le vice et la corruption... » Le triomphe de David au Salon (surtout avec le Serment des Horaces en 1785) constitue le moment de parfaite convergence entre l’art le plus exigeant et les attentes d’un public désormais pleinement conscient des enjeux en cours et de son pouvoir.
Thomas Crow, La peinture et son public à Paris au XVIIIe siècle, éd. Macula, 335 p., 125 ill. N&B, 250 F, ISBN 2-86589-030-9.
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La peinture et son public à Paris au XVIIIe siècle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°522 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : La peinture et son public à Paris au XVIIIe siècle