De nombreux ouvrages consacrés à la peinture ancienne sont publiés en cette fin d’année. Contrairement aux autres, la monographie du Maître de Moulins par Albert Châtelet a le mérite de prendre des risques et de formuler de nouvelles hypothèses.
Fidèles à leur tradition, les éditions Citadelles & Mazenod ne font pas dans la demi-mesure, et proposent rien moins qu’une synthèse sur les retables de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance à travers l’Europe. Aucun des chefs-d’œuvre attendus ne manque à l’appel, du Retable de l’Agneau mystique de Jan et Hubert Van Eyck au Retable d’Issenheim de Mathias Grünewald, du Jardin des délices de Bosch au Retable majeur de la cathédrale de Palencia. Après une introduction sur la genèse du retable, trente œuvres font l’objet d’un chapitre séparé, et un astucieux jeu de dépliants permet de présenter certaines d’entre elles dans leur configuration réelle. Chef-d’œuvre de la peinture française, le Triptyque de la Vierge en gloire de Moulins figure naturellement dans cette anthologie : “L’identité du peintre n’est plus discutée aujourd’hui, écrit Mari Pietrogiovanna. Le Maître de Moulins, en effet, à propos duquel on a tant écrit pendant la première moitié du XXe siècle, est désormais identifié avec Jean Hey. [...] Dans un article lumineux de 1968, Sterling expose les arguments qui conduisent à exclure les autres noms.”
Ce n’est pas l’opinion d’Albert Châtelet. Comme la nature, l’histoire de l’art a horreur du vide. Aussi, depuis un siècle, les spécialistes ont tenté de donner un auteur aux œuvres rassemblées autour du Triptyque de Moulins, dont la Nativité d’Autun. Reprenant l’hypothèse émise par Louis Grodecki et Jacques Dupont en leur temps, il propose, dans la monographie qu’il consacre au Maître de Moulins, de l’identifier au peintre lyonnais Jean Prévost. Grâce aux travaux récents de Pierre-Gilles Girault, il met en pièces de façon convaincante l’hypothèse Jean Hay (autre graphie), “généralement acceptée en France, par la confiance faite à l’autorité de Charles Sterling, et grâce à un consensus un peu rapide des conservateurs du Musée du Louvre”. Succédant à Laurent Girardin, Jean Prévost, issu du milieu lyonnais, est nommé en 1471 peintre et verrier à la cathédrale de Moulins. À l’instar de Jean Fouquet, il ne subsiste guère de documents attestant l’activité picturale de Prévost, qui apparaît à cette aune comme un modeste artisan. Mais des vitraux comme celui de sainte Catherine ou encore L’Arbre de Jessé qui sont certainement son œuvre ont été rapprochés du Triptyque de Moulins, peint vers la fin du XVe siècle. Au terme de son enquête, Albert Châtelet offre à l’appui de sa thèse tous les documents disponibles et tente un catalogue raisonné de Jean Prévost. Chez le même éditeur, Gallimard, paraissent trois autres livres moins ambitieux. Deux titres de la collection “Maîtres de l’art”, Masaccio (1401-1428) et Guido Reni (1575-1642), et un de la série “Chefs-d’œuvre de l’art italien”, Les Allégories mythologiques de Sandro Botticelli (1445-1510), qui regroupe La Naissance de Vénus, Le Printemps, Pallas et le Centaure, ainsi que Vénus et Mars.
Signalons enfin la réédition par Actes Sud/Motta du Giotto de Francesca Flores d’Arcais. Initialement publiée en 1995 par Citadelles & Mazenod, cette monographie se présente aujourd’hui sous la forme d’un petit volume beaucoup plus maniable. En revanche, elle ne fait l’objet que d’une trop brève actualisation, au regard des nombreuses recherches menées pendant cinq ans en vue de l’exposition de 2000 à Florence.
- Caterina Limentani, Mari Pietrogiovanna, Retables, l’âge gothique et la Renaissance, éd. Citadelles & Mazenod, 418 p., 432 p., 1 102 F, ISBN 2-85080-178-3.
- Albert Châtelet, Le Maître de Moulins, éd. Gallimard, 207 p., 380 F jusqu’au 31/12/2001, ISBN 2-07-011685-9.
- Umberto Baldini, Masaccio, éd. Gallimard, 184 p., 280 F, ISBN 2-07-011689-1.
- Gérard-Julien Salvy, Guido Reni, éd. Gallimard, 168 p., 280 F, ISBN 2-07-011687-5.
- Cristina Acidini Luchinat, Sandro Botticelli, les allégories mythologiques, éd. Gallimard, 250 p., 325 F jusqu’au 31/01/2002, ISBN 2-07-011701-4.
- Francesca Flores d’Arcais, Giotto, éd. Actes Sud/Motta, 384 p., 248,60 F, ISBN 2-7427-3261-6.
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La légende dorée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°139 du 21 décembre 2001, avec le titre suivant : La légende dorée