Graveur, collectionneur, écrivain, diplomate et homme de musée, Vivant Denon accompagna Bonaparte lors des campagnes d’Égypte. Il en ramena ce Voyage, abondamment illustré de gravures, qui eut tout au long du xixe siècle un succès considérable.
Le 25 Floréal an 6, c’est-à-dire le 14 mai 1798, Dominique Vivant Denon s’embarque sur la frégate La Junon qui, avec d’autres bâtiments, participe à l’avant-garde de la campagne d’Égypte. Il accomplit ainsi le rêve de toute vie et, parcourant, dit-il, “un pays que l’Europe ne connaît guère que de nom, tout y devenait donc important à décrire”. Cette injonction à tout observer et à tout restituer, aussi bien par la gravure que par l’écrit, donne aux images et au texte une force singulière qui rend accessoires les questions de style. “J’ai pour moi le peu de séduction de mon style et la naïveté de mes dessins”, avoue-t-il avec une fausse modestie consommée. L’ouvrage que livre le futur membre de l’Institut d’Égypte est une sorte de journal, vif et profond, qui restitue l’atmosphère de la vie militaire aussi bien qu’il décrit les monuments et les villes. Qui accorde la même place aux récits de batailles, parfois homériques, qu’aux descriptions des temples et des pyramides, méticuleuses, et souvent précieuses pour les historiens qui arpenteront le pays au siècle suivant.
Une expédition épique
On n’imagine mal comment, pratiquement, Denon parvint à mener son projet à bien dans les conditions rigoureuses de cette expédition, à cheval ou à dos de chameau, ne laissant le stylo que pour la plume, ne consentant à abandonner l’un et l’autre que dans l’urgence d’une attaque ennemie. De Rosette jusqu’aux cataractes du Nil, le voyage est loin d’être exclusivement touristique. Mais l’auteur ne semble jamais ni se décourager ni douter de son propre destin, et encore moins de l’utilité de sa mission. Elle sera en effet reconnue par un long succès de l’ouvrage en librairie et ouvrira de nouvelles voies à l’égyptologie.
La première édition comportait de très nombreuses gravures qui témoignent de son appétit, presque boulimique, de voir. “Le crayon à la main, je passais d’objets en objets ; distrait de l’un par l’intérêt de l’autre, toujours attiré, toujours arraché, il me manquait des yeux, des mains, et une tête assez vaste, pour voir, dessiner et mettre quelque ordre à tout ce dont j’étais frappé.” Denon joue d’une feinte rivalité entre le dessin et l’écriture, quand en réalité elles sont complémentaires et qu’il porte à l’un et à l’autre le même soin attentif, reprenant et corrigeant ses phrases, suivant la réalisation des gravures avec une attention maniaque. Cette réédition ne reproduit qu’une partie des illustrations, suffisamment, cependant, pour que le lecteur se rende compte de l’extraordinaire économie du regard de Vivant Denon.
Dominique Vivant Denon, Voyage dans la Basse et Haute-Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte, éditions Le Promeneur, 370 p., 150 F. ISBN 2-07-075201-1.
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La guerre et les pyramides
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : La guerre et les pyramides