La grande galerie des peintures, itinéraires dans les collections

Aucun ouvrage ne semble, a priori, plus institutionnel que cet itinéraire pictural dans les collections des trois principaux musées nationaux parisiens, rédigé par un jeune et brillant universitaire sur une idée du ministre de la Culture, qui en a écrit la préface, et dont le titre évoque la monumentale grande galerie du Louvre. La surprise est donc de taille.
Car d’emblée le sommaire, épuré – voir, raconter, imaginer – fait éclater le cadre traditionnel de l’histoire de l’art et laisse à l’auteur toute liberté de musarder à sa guise. Et il ne s’en prive pas.
C’est un regard d’auteur que nous propose Adrien Goetz, une déambulation très personnelle parmi les œuvres des collections, un itinéraire déroutant qui s’apparente plus à un labyrinthe qu’à une linéaire voie royale.
« Je voulais multiplier les entrées, pour bien faire comprendre que les façons d’aborder la peinture sont nombreuses et diverses. »
Les textes sont concis, érudits mais fluides, les renvois permettent une lecture transversale en forme de jeu de piste, d’une œuvre à l’autre. L’iconographie abondante et de qualité mêle détails et plans généraux, la confrontation des œuvres des trois musées permet des raccourcis fulgurants, non dénués d’humour, qui décapent le regard. La Vierge à l’hostie d’Ingres retrouve une nouvelle jeunesse face à Formes circulaires, Soleil n° 2 de Delaunay, la rigueur de Croix noire (Malévitch, 1915) fait sens face à l’Ex-Voto de 1662 de Philippe de Champaigne,le rapprochement entre le Louis XIV de Hyacinthe Rigaud et Ubu Imperator de Max Ernst fait sourire. La grande galerie des peintures suscite la réflexion, incite à créer ses propres déambulations, dans et hors des musées, réels ou imaginaires, hors des sentiers battus.
Gageons que cet ouvrage, qui reflète en outre les richesses et les lacunes des collections nationales, est promis à un bel avenir, au sein comme en dehors de l’institution.