Le propre des images d’Épinal, c’est de présenter une saynète de vie quotidienne sous un certain point de vue académique, conventionnel et naïf, évocateur d’un « bon côté des choses », convenu, entendu et rassurant.
Bon nombre d’entre elles recèlent cependant un sens caché, un visage, un objet à rechercher en contrepoint parmi les traits de la mise en scène. Très souvent, il convient de retourner l’image tête-bêche pour la voir se révéler distinctement. Il apparaîtra parmi les vides des traits ou encore comme un tout dans une partie d’un tout. Derrière Giono, figure populaire de la littérature de son siècle, à l’intérieur de Giono, poète massif et solaire habitué des études scolaires, en contraste de Giono, figure de l’écrivain pastoral et coloré d’une Provence éternelle, il y a Jean. Il y a l’homme, son enfance, ses amitiés, son quotidien. Il y a le silence de ses inquiétudes solitaires qui en dit plus que la clameur des foules. Il y a la poésie crue qui jette un regard tranchant sur le monde et qui, sous le poids du ciel du midi, ne concède rien à la noirceur humaine. Il y a le possible retour aux champs contre toute fureur mécanique. Et puis il y a l’amoureux, épris de lumière, engagé pour la vie, animé d’une sagesse agitée. Une profonde rage pacifiste le pousse au courage de « se retirer du mal » et à professer l’espérance comme ultime combat pour l’intelligence et la paix. Une position souvent incompréhensible de son temps. Au cinquantenaire de sa disparition, Emmanuelle Lambert remporte le prix Femina 2019 en révélant, dans son essai biographique Giono furioso, ces composantes fragiles et intimes, qui font une part du mystère et de la profondeur du grand écrivain. Ces éléments de vie et d’écriture sont exposés dans leur chronologie, à travers les textes de nombreux écrivains, et largement documentés dans le Gionoédité par Gallimard. C’est aussi dans son rapport d’amitié familiale avec Lucien Jacques et dans la correspondance de son verbe d’écrivain avec les gravures et les aquarelles lumineuses du peintre qu’éclate le plus nettement la nature du contraste entre le soleil du midi et l’ombre noire qu’il projette des âmes humaines sur le sol, couchée sur le papier. Signe d’un temps, peut-être, enfin prêt à relire Giono.
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La fureur de la paix
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°731 du 1 février 2020, avec le titre suivant : La fureur de la paix