Directeur du Musée de l’Albertina à Vienne, Konrad Oberhuber avait publié en 1983 une passionnante monographie de Raphaël, enfin traduite en français dans une version réactualisée à la lumière notamment des récentes restaurations. La précision des analyses formelles et iconographiques fait tout le prix d’un ouvrage par ailleurs richement illustré.
Troisième larron de la Sainte Trinité de la Renaissance, Raphaël ne fascine plus – les éditeurs notamment – autant que les deux génies tourmentés que sont Léonard et Michel-Ange. Trop beau, trop lisse, trop parfait. Né et mort un vendredi saint, Raphaël a vite été considéré comme le Christ de la peinture, proposant aux hommes un modèle insurpassable. Ses zélateurs n’hésitaient pas à lui attribuer toutes les qualités d’un saint, le décrivant comme “un homme extrêmement bon, courtois, aimable, généreux, devenu un peu mélancolique vers la fin de sa vie, un homme aux traits doux et d’une construction délicate, presque féminine”. Raphaël d’Urbino a reçu de la puissance divine “la richesse infinie de ses trésors et de ses grâces qu’il répartit ordinairement dans un long laps de temps entre plusieurs individus”, résumait à sa façon – lyrique – Giorgio Vasari.
Dans l’ouvrage de Konrad Oberhuber, cette “légende dorée” laisse vite la place au peintre et à ses œuvres. Ainsi que le souligne parfois scolairement l’auteur, l’exemple de Léonard et de Michel-Ange reste prégnant tout au long de la carrière de Raphaël, de son arrivée à Florence à son œuvre ultime, la Transfiguration. Ces sources, Raphaël les a justement transfigurées, résumant dans ses compositions toutes les ambitions de la Renaissance, de la synthèse de la philosophie antique et de la religion chrétienne à la résurrection de la Rome des Césars. Si la Chambre de la Signature, au Vatican, peut apparaître comme la somme de ces aspirations, un bref inventaire des œuvres réalisées à Rome à partir de 1508 suffit à mesurer le rôle de Raphaël dans la restauration de la grandeur antique : le Chambre de l’Incendie, les cartons pour la tenture des Actes des Apôtres, la Vierge Sixtine, le Triomphe de Galatée, les Loges, Sainte Cécile... autant de chefs-d’œuvre fondamentaux pour l’art de son temps et des siècles à venir. Par exemple, “l’image que l’Europe s’est faite des débuts de l’ère chrétienne, profondément enracinés dans la Bible, a été façonnée par les tapisseries de Raphaël”, souligne Konrad Oberhuber. En prenant soin de détailler chacune des compositions et en se livrant à une indispensable analyse iconographique, l’auteur invite à poser un regard renouvelé sur des œuvres célébrissimes, afin d’en goûter toutes les inventions.
Konrad Oberhuber, Raphaël, éditions du Regard, 260 p., 160 ill. coul., 480 F. ISBN 2-84105-111-0.
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Konrad Oberhuber : Raphaël
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°89 du 24 septembre 1999, avec le titre suivant : Konrad Oberhuber : Raphaël