Citadelles & Mazenod a choisi de rééditer L’Art de l’Égypte, de Kazimierz Michalowski, ouvrage qui avait fait date lors de sa parution en 1968. Comme le rappelle dans la préface de la nouvelle édition, Nicolas Grimal, directeur de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, IFAO, ce monument \"marquait un tournant à la fois dans l’édition d’art et dans la présentation de l’art égyptien et des sites\".
Kazimierz Michalowski innovait en offrant une vision globale de la civilisation égyptienne, alors que la majorité des ouvrages disponibles à cette époque étaient spécialisés sur tel ou tel aspect du monde des pharaons. Pour autant, son texte ne se limitait pas à un survol trop général. Abondamment documentée, nourrie de répertoires, d’index et de notices, la somme s’est rapidement imposée dans les universités. Il est vrai que Kazimierz Michalowski pouvait s’appuyer sur ses propres recherches sur le terrain – il a été l’un des acteurs de la campagne internationale de sauvetage des monuments de Nubie – et, comme spécialiste du monde méditerranéen, il pouvait également embrasser l’ensemble des civilisations qui s’y sont succédées.
Destiné à l’amateur éclairé, l’ouvrage, grâce à de magnifiques illustrations en couleurs pleine page, convenait également au lecteur désirant seulement le feuilleter, et faire défiler ainsi l’épopée pharaonienne image après image. Autant de caractéristiques novatrices il y a vingt-cinq ans, qui ont fait école depuis.
Superstructure idéologique
En revanche, L’Art de l’Égypte reste original, et presque unique, par l’approche marxisante de son auteur. Né en 1901 en Pologne, Kazimierz Michalowski avait créé au Caire un centre polonais d’archéologie dont il fut le directeur jusqu’à sa mort en 1981. Cet archéologue se distinguait de ses confrères en maniant les concepts de "classe dirigeante", de "superstructure idéologique" pour déchiffrer les civilisations. S’il étudie un objet, comme la palette de Narmer, il démontre comment le "nouvel art" doit se simplifier, devenir clair et accessible à tous, voire naïf, afin qu’il soit "une arme de propagande officielle" dans l’idéologie du royaume.
Pour autant, cette réédition stigmatise l’échec de l’analyse marxiste. "Caractériser la production égyptienne selon des différences sociales échoue cependant devant l’impossibilité de préciser aussi bien la signification intrinsèque des œuvres que l’organisation unitaire imposée d’en haut à la civilisation égyptienne", constate Alessandro Roccati, titulaire de la chaire d’égyptologie à l’université de Rome, dans la nouvelle mouture. Les responsables du "cru" 94 estiment que Kazimierz Michalowski ne livrerait plus le même texte aujourd’hui. Celui-ci fait donc presque figure de document historique, témoignage d’une époque révolue.
L’iconographie, elle, tient compte des découvertes majeures faites au cours des vingt-cinq dernières années, tant à Louqsor, Karnak qu’à Abousir… La partie documentaire a été mise à jour en fonction des changements de datations ou d’attributions. Ainsi, ne figure plus la célèbre Tête de harpe du Louvre, considérée comme un faux après des recherches menées au carbone 14.
L’Art de l’Égypte, de Kazimierz Michalowski, nouvelle édition assurée par Jean-Pierre Corteggiani, Alessandro Roccati, Nicolas Grimal, Citadelles & Mazenod (640 p, 193 planches couleur dont 73 nouvelles, 890 ill. noir et blanc dont 60 nouvelles, 95 plans de sites réactualisés dont 20 nouveaux, 880 F jusqu’au 30 juin, 1 100 F ensuite).
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Kazimierz Michalowski, un marxiste en égyptologie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Kazimierz Michalowski, un marxiste en égyptologie