Juan Gris, Correspondances avec Léonce Rosenberg, 1915-1927

Cette correspondance, exhaustive jusqu’au moindre billet ou reçu, provient pour une large part des archives du musée. Elle présente beaucoup de documents inédits à ce jour. Avec la fondation de la galerie L’Effort Moderne au début de 1918, Léonce Rosenberg prit le relais de Kahnweiler dans la représentation parisienne du cubisme, au moment où celui-ci n’avait déjà plus de pertinence en tant que recherche formelle aux yeux de ceux que Gris jugeait comme ses « maîtres », Braque et Picasso. Engagé dans une réappropriation du dessin classique dès 1914, Picasso déclinait en effet à cette époque un libre éclectisme stylistique en ironisant sur le cubisme lui-même qu’il qualifiait d’académisme. C’est donc dans un esprit fondamentalement inverse à l’expérimentation que Rosenberg prit sous contrat Gris, Laurens, Lipchitz et Metzinger après la guerre. L’intérêt du galeriste, attentif à une réhabilitation française du mouvement alors dénigré sous l’appellation d’« art boche », fut essentiellement celui d’un investissement commercial. La correspondance apporte de ce fait des informations factuelles et les indices d’une certaine atmosphère, plus qu’un véritable débat esthétique. Sans surprise, elle est à l’image de cette remarque de Gris à propos de Picasso, formulée en septembre 1916 : « lorsqu’il exagère de trop je m’écarte de lui et quand il se calme je m’en rapproche ».