Traduit pour la première fois en français, Le Cinéma visionnaire de Paul Adams Sitney reste, plus de vingt-cinq ans après sa première parution, un document indispensable pour appréhender le cinéma expérimental américain.
Étude historique ou document ? Difficile de trancher et de qualifier exactement Le Cinéma visionnaire de Paul Adams Sitney, tant son auteur appartient au sujet de son ouvrage. Universitaire, fondateur en 1970 avec Jonas Mekas de l’Anthology Film Archive, Paul Adam Sitney, né en 1944, reste l’un des principaux théoriciens du cinéma expérimental américain, et Le Cinéma visionnaire la pierre d’angle de ses recherches dans le domaine. Cette vaste entreprise, attelée à la description et à l’analyse d’une filmographie qui s’étend de l’avant-guerre aux années 1980, est une véritable aventure, contemporaine pour une grande partie des œuvres auxquelles elle s’attache. Publié pour la première fois en 1974, l’ouvrage est, pour sa troisième édition, enfin traduit en français. Et si, avec modestie, Sitney rappelle en introduction “qu’un lecteur qui chercherait des informations sur les jeunes cinéastes les plus importants devra chercher ailleurs”, précisons qu’il y a déjà suffisamment à faire avec les “anciens”.
Cinéma expérimental, cinéma d’avant-garde ou “film poème”, qu’importe la terminologie : ce qui retient l’attention de Sitney est avant tout une filmographie apte à ouvrir de nouvelles voies, rejetées par l’usage dominant du cinéma. Cette histoire, découpée en courts chapitres, débute dans la lancée du Surréalisme, et le Chien andalou ouvre le premier chapitre. La résurgence dans les années 1940 de l’esthétique du collage, du rêve et du mythe inhérente au film de Buñuel se retrouve dans les premiers essais de Maya Deren (1917-1961) et court jusqu’au genre “mythopoétique” développé par Stan Brakhage (1933) dans les années 1960. L’auteur de Dog Star Man est, avec le sulfureux Kenneth Anger (1930), au cœur du texte. Paradigmatiques, leurs deux œuvres font en effet l’objet d’un vaste développement, accompagné comme pour les autres cas d’analyses complètes de leurs films, qui, si elles ne remplacent pas le visionnage, apporteront tout de même une information précieuse.
Autre pôle développé par Sitney face au “cinéma subjectif” issu du Surréalisme, le “cinéma graphique”, lui aussi hérité des avant-gardes européennes et des recherches de Duchamp et Richter. Comme le prouve la lecture de l’ouvrage, la généalogie est foncièrement perturbée, mais la voie mène en partie aux recherches de Peter Kubelka (1934) – arrivé aux États-Unis en 1965 – et au cinéma structurel des années 1970 (avec Paul Sharits (1943-1993), dont les Éditions Paris Expérimental viennent justement de traduire quelques écrits dans leur collection “Cahier”). Mais, là aussi, il est difficile d’appréhender en quelques mots le continent sur lequel navigue avec aise Paul Adam Sitney.
- Paul Adams Sitney, Le Cinéma visionnaire, éditions Paris expérimentales, www.paris-experimental.asso.fr, 448 p., 38 euros, ISBN 2-912539-08-0
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J’en crois pas mes yeux
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : J’en crois pas mes yeux