Récit - Née à Versailles en 1927 d’une brève aventure entre un père grec qui ne la reconnaîtra pas et une mère libraire suffragette qui la placera en pensionnat, Jacqueline Duhême passe son enfance entre Suresnes et un couvent grec, une ferme et la ville de Nice.
Le destin s’en amuse et met Paul Éluard sur son chemin à l’occasion d’une séance de dédicace durant laquelle le poète remarque la jeune femme. Éluard, l’amant éphémère mais déterminant, qui réveille l’audace de la timide ouvrière qui, à vingt ans, postule en qualité d’aide atelier chez Henri Matisse. « J’ai tout appris chez ce grand maître », dit-elle aujourd’hui. Chez l’illustratrice, on retrouve d’ailleurs quelques caractéristiques du style de Matisse, dont l’usage des couleurs vives posées en aplats. Dans l’atelier du peintre, Jacqueline Duhême regarde également les palettes des amis de passage avec certains desquels elle nouera de sincères et solides amitiés : Jacques Prévert, Blaise Cendrars et Claude Roy. Gilles Deleuze, Maurice Druon et Miguel Ángel Asturias seront également sensibles à la fraîcheur du regard et à la curiosité de la jeune femme.
En retour, Jacqueline Duhême amènera ces poètes à écrire pour la jeunesse en illustrant leurs textes avec ses peintures naïves, pleines de fantaisie imaginative. Mais, pionnière de l’illustration jeunesse dans la France d’après-guerre, elle dépoussière également le genre du reportage en couvrant par ses dessins, pour le magazine Elle, le voyage des Kennedy en France, celui de De Gaulle en Amérique du Sud et celui du pape Paul VI en Terre sainte. Cette vie riche en émotions et en rencontres, Jacqueline Duhême prend le temps de la raconter, à la manière d’un journal intime, vibrant de couleurs, sur papier kraft, avec une écriture manuscrite et des pinceaux Winsor et Newton. Publié ce mois-ci chez Gallimard, le livre s’intitule Une vie en crobards. Comme il se devait, la couverture est signée Matisse, ultime hommage à celui qui l’initia à la couleur et lui apprit à déployer l’art de celle qu’il convient désormais d’appeler « l’imagière des poètes ».
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Jacqueline Duhême, l’imagière des poètes
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Abonnez-vous dès 1 €Une vie en crobards, Gallimard, 192 p., 18 €
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°667 du 1 avril 2014, avec le titre suivant : Jacqueline Duhême, l’imagière des poètes