Chaque mois, Laure Albernhe, l’animatrice des Matins Jazz sur les ondes de TSF JAZZ, rencontre un musicien inspiré par les arts visuels.Ce mois-ci Frédéric Maurin.
Pour la nouvelle création de l’Orchestre national de jazz (ONJ) qu’il dirige, le guitariste Frédéric Maurin a invité la vidéaste Mali Arun à créer des images diffusées pendant les concerts. Un travail à l’équilibre délicat, tout en poésie…
La vidéaste m’a été présentée par un des compositeurs avec qui j’ai travaillé pour cette création, dont l’instrumentation est un peu différente de ce qu’on peut imaginer pour un orchestre de jazz, avec des bois et des cordes. Ça ressemble plus à un petit orchestre de musique de chambre. Lorsque j’ai vu le travail de Mali Arun, je me suis dit que ça pouvait correspondre à ce projet, sur le sens des rituels aujourd’hui. Je voulais éviter une vidéo narrative qui essaie de suivre la musique. La vidéo, c’est toujours très fort quand on la met sur un plateau. Et la musique peut devenir très vite une musique d’illustration. Pour Rituels, je souhaitais que ni la musique ni la vidéo ne prenne le dessus sur l’autre. Alors, j’ai demandé à Mali de composer des tableaux en mouvement, pas nécessairement abstraits, mais sans trame narrative. Ensuite, je l’ai laissée très libre, comme je le fais toujours avec les compositeurs avec qui je travaille. La musique et la vidéo se sont construites en parallèle.
Les images que Mali Arun a proposées pour Rituels sont des images très ouvertes, assez contemplatives. On peut y voir des choses précises, mais il y a aussi des parties abstraites où l’on ne sait pas vraiment ce qu’on voit. Alors, chacun va pouvoir se créer son imaginaire. La musique que l’on propose est aussi très ouverte.
J’ai collaboré plusieurs fois avec des vidéastes pour les concerts de mon orchestre précédent, Ping Machine. J’ai toujours aimé montrer des images sur la musique qu’on produisait. J’ai aussi fait des musiques pour des courts-métrages. Je suis très attiré par l’image. Si je ne faisais pas de musique, je me tournerais vers le cinéma.
C’est complexe. La musique a une force, c’est que chacun peut construire son monde intérieur. Mais parfois elle peut écraser l’image. D’autres fois, c’est l’image qui peut réduire l’imaginaire du spectateur. Par exemple : le grand public est beaucoup venu à la musique du XXe siècle par le cinéma, parce qu’énormément de réalisateurs l’ont utilisée dans leurs films. Comme Stanley Kubrick, par exemple, avec la musique de Ligeti, que la plupart des spectateurs n’ont entendue que dans son film 2001, l’Odyssée de l’espace. C’est le cas avec beaucoup de compositeurs. Dans les films, il y a trop peu d’abstraction. Globalement, on voit tous la même chose. Et comme les films sont souvent très narratifs, la place à l’imaginaire n’est pas si grande que ça. Alors que dans la musique, chacun entend des choses différentes. L’équilibre n’est pas facile à trouver. Je suis très sensible à l’univers de ceux qui y parviennent, comme le réalisateur David Lynch ou le vidéaste Bill Viola.
Oui, mais c’est de l’ordre du sensible. Si j’ai plutôt une approche très rationnelle de la composition musicale, la source de l’inspiration, en revanche, est pour moi assez mystérieuse. Par exemple, le film Lost Highway de David Lynch déclenche en moi un désir d’écriture. L’image peut provoquer des émotions qui stimulent l’écriture musicale. Il m’est souvent arrivé de me tourner vers l’image quand j’étais bloqué dans la composition. Mais c’est une impulsion… Le reste, c’est du travail !
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Frédéric Maurin : « J’ai toujours aimé montrer des images sur la musique qu’on produisait »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°728 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : Frédéric Maurin : « J’ai toujours aimé montrer des images sur la musique qu’on produisait »