Le fonds photographique de l’Institut de France fait une timide mais remarquable sortie hors des archives.
L’Institut de France, comme beaucoup d’institutions, possède des collections photographiques qui, jusqu’à maintenant, restaient quelque peu secrètes, sans doute en l’attente d’une étude globale ; elle se manifeste aujourd’hui sous forme d’une exposition au Musée Marmottan-Monet, et d’un catalogue. Il s’agit tout à la fois de faire œuvre historique – tant certaines pièces ont un caractère primordial pour l’histoire de la photographie –, de faire le recensement général des archives et d’exposer au regard des amateurs des images suffisamment attrayantes.
Cette dernière tâche, la plus ardue, ne peut être menée à bien au Musée Marmottan, lieu peu accueillant non plus que propice à l’exposition des photographies, disséminées dans des salles ou couloirs inappropriés ; ceci toutefois ne constituerait pas une raison suffisante pour se priver de la contemplation de si belles pièces dans un état de conservation remarquable. Mais, une fois de plus, on constate qu’il faut davantage, pour faire une exposition cohérente et intelligible, qu’une sélection éclectique, et mettant en avant son éclectisme. Restera donc plus sûrement de cette entreprise le catalogue élégant des éditions Actes Sud, imprimé avec toute la qualité que permettent actuellement les techniques de photogravure.
Incunables
Les liens de l’Institut de France avec la photographie remontent à son invention, puisque c’est devant l’Académie des sciences et l’Académie des beaux-arts réunies qu’Arago divulgua le 19 août 1839 la procédure du daguerréotype, achetée dans un but universaliste par le gouvernement. Quelques mois plus tard, c’est devant l’Académie des beaux-arts que l’un des exclus de l’invention officielle, Hippolyte Bayard, tentera de faire valoir sa propre invention, le positif direct sur papier. L’invention photographique relevant d’emblée de l’Académie des sciences, celle-ci devient la garante des antériorités et la gardienne des légitimités des nombreux procédés qui se succèdent, en particulier par la pratique des plis cachetés dont la date de dépôt fait foi. En mars 1840, Talbot dépose ainsi 24 « photogenic drawings » pour marquer l’état de ses propres recherches. Mais les archives vont principalement se constituer à partir des multiples « applications » que la photographie naissante, artisanale et artistique d’abord, industrielle ensuite, trouvera dans tel ou tel domaine relevant de l’une des académies de l’Institut. Bientôt, de véritables missions photographiques accompagnent voyages et recherches archéologiques, avec le financement ou la simple bénédiction de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres). À leur retour, les bénéficiaires laissent en gage une partie de leur butin, d’autant qu’ils y trouvent la meilleure garantie de conservation. Ainsi s’accumulent les 214 négatifs-papier de Maxime du Camp (Égypte, 1850) et leurs tirages, les 185 papiers salés de John Beasley Greene (1854), les calotypes grand format de Henry Cammas, les Aymard de Banville de la mission d’Emmanuel de Rougé. Ces incunables suffiraient grandement à la renommée de ce fonds… et à la satisfaction du visiteur. S’y ajoutent les dépôts à caractère de témoignage scientifique marquant une découverte, une avancée, tels la Photographie zoologique de Rousseau et Devéria (1853) ou l’Iconographie des centres nerveux de J. B. Luys (coupes du cerveau, 1873).
L’Institut bénéficie en outre de l’acquisition des fonds entiers de membres de l’Institut, où la photographie tient parfois un rôle important : 6 000 pièces du fonds Homolle (Grèce) dont la seule photographie de la découverte de la statue d’Antinoüs (1894) justifie l’intérêt, les Désiré Charnay du fonds Loubat sur l’Amérique latine, le portrait daguerréotype de Balzac et les Nadar du fonds Lovenjoul, etc. Longue liste à laquelle s’ajoutent les collections du Musée Condé de Chantilly (non déplaçables) avec, entre autres, les marines de Le Gray, les Vues des Pyrénées par le comte Vigier (1853), infime partie de la donation Thiers, ou encore l’ensemble du byzantiniste Gustave Schlumberger, où l’on retiendra le panoramique de la Kasba de La Mecque par Sadic Bey (1880). On ne sait plus très bien où l’on en est de toutes ces additions, d’autant que les textes de présentation parfois convenus ou superfétatoires n’aident pas à repérer des grandes lignes. Une plus ferme cohésion éditoriale aurait permis d’éviter un mélange d’images très mineures et de découvertes surprenantes ; l’ensemble demeure néanmoins un beau livre qui fera grandement apprécier la photographie ancienne.
- Éclats d’histoire. Les collections photographiques de l’Institut de France, 1839-1918, Actes Sud/Institut de France, 320 pages, 293 illustrations, 59 euros, ISBN, 2-7427-4392-8. À voir, l’exposition « La photographie dans les collections de l’Institut de France, 1839-1918 », jusqu’au 27 juin, Musée Marmottan-Monet, 2, rue Louis-Boilly, 75016 Paris, tél. 01 44 96 50 33, tlj sauf lundi 10h-18h.
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« Éclats d’histoire. Les collections photographiques de l’Institut de France »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°195 du 11 juin 2004, avec le titre suivant : « Éclats d’histoire. Les collections photographiques de l’Institut de France »