Trois volumes mettent en scène près de mille objets du XVIIe siècle à nos jours,
emblématiques pour leurs valeurs esthétiques et leurs qualités intemporelles.
C’est un ouvrage de poids au sens propre du terme : quelque huit kilos, coffret compris. Avec ses imposants « Classiques Phaidon du design », enfin publiés en français, la maison d’édition anglaise a voulu faire les choses en grand : choisir un millier d’objets manufacturés à travers le monde – 999 exactement, infime coquetterie… – qu’elle considère comme des « classiques » au sens où ces items possèdent « à la fois une valeur esthétique et une qualité intemporelle ». Le choix est donc a fortiori subjectif, mais néanmoins large : de la pince à linge au bateau, de la bouteille de lait à l’aéronef, de l’automobile à l’électroménager. La plupart de ces objets sont toujours produits et donc encore disponibles à la vente. Pour être admis, le « candidat-objet » devait satisfaire à au moins un des quatre critères suivants : 1) modèle abouti, caractérisé par sa portée et son influence durables ; 2) objet innovant par l’emploi de matériaux nouveaux et alliant un design élégant à des avancées technologiques ; 3) objet défini par des formes simples, équilibrées et pures ; 4) objet à la conception parfaite, resté inchangé depuis sa création. Seuls ont été exclus les objets ayant trait à la mode – vêtements et accessoires – ainsi que ceux conçus pour un « usage hautement spécialisé ». Chaque pièce est présentée à travers une fiche technique concise – nom du produit, date de conception, noms du (des) designer(s) et du (des) fabricant(s), dates d’édition et de réédition –, puis décortiquée dans un texte plus conséquent. La mise en page, plutôt réussie, est due au célèbre graphiste britannique Alan Fletcher (1931-2006), dont c’est là l’un des derniers travaux. Pour éviter la monotonie, la typographie des textes change à chaque objet, tout comme les illustrations qui vont de la simple photographie au dessin technique, en passant par l’esquisse originale.
Épopée de moult siècles
L’ouvrage, une somme, déroule une épopée de près de quatre siècles, du n°001 – une paire de ciseau de ménage chinois datant de 1663 – au n°999 – une collection d’accessoires de salle de bains dessinée en 2004 par le duo anglais Barber & Osgerby pour la firme allemande Authentics. Si l’Angleterre, les États-Unis, l’Italie, le Japon, l’Allemagne ou la Finlande sont copieusement représentés, la France l’est à un degré moindre, avec seulement une soixantaine de réalisations au compteur. Tous les grands noms sont évidemment sur le pont : les Prouvé, Eames, Jacobsen, Aalto, Gray, Castiglioni, Panton, Wegner, Loewy, Kuramata, et, pour les designers actuels, Jasper Morrison, Philippe Starck, Konstantin Grcic et Ron Arad, sans oublier l’inévitable Marc Newson. Y figurent moult pièces emblématiques, de la chaise « bistrot » de Michael Thonet (1859) au iPod d’Apple Computer (2001). Ainsi, il est amusant de voir à quel point un objet peut parfois symboliser un pays, tels le couteau Victorinox pour la Suisse, la cocotte Le Creuset pour la France ou encore la cafetière Bialetti pour l’Italie. Certaines pièces pourtant nées de père inconnu se sont, elles, imposées à la force de l’usage : la chaise de jardin, la pince à linge, la lampe-tempête, la cuiller à miel, le mètre pliant, le jerricane, le transat, la grille à gâteaux…
Les deux premiers volumes se dégustent avec délices. Le troisième en revanche perd quelque peu en intensité. Parier sur l’avenir n’est pas toujours chose aisée, d’ailleurs l’éditeur lui-même s’attendait à « une entreprise plus hasardeuse ». Elle l’est. Certains choix, notamment pour les années 1980 et 1990, laissent perplexes. Exemple : le tabouret Duplex de Javier Mariscal (1980) marquera sans aucun doute moins les esprits que le tabouret de bar de Louis Sognot (1930). Quant au « classicisme » des panneaux réducteurs de bruit de Teppo Asikainen ou de la guirlande en laiton de Tord Boontje, il y a encore de la marge.
Rares, enfin, sont les artistes qui ont laissé leurs traces sur la planète design de Phaidon, mais ce n’est que logique. Sous le n°827 se déploie le mobilier de Donald Judd qu’il avait créé dans un but commercial, notamment ses belles chaises en pin. Sous le n°212 trône la célèbre bouteille de soda Campari dessinée en 1932 par le Futuriste italien Fortunato Depero. Cette mini-bouteille aux flancs obliques et à la couleur vive est aujourd’hui encore reconnaissable au premier coup d’œil. Alors « classique »… ou chef-d’œuvre ?
Ed. Phaidon, 2007, coffret de trois volumes, 950 pages en tout, illustrations : 1 000 en couleurs et 150 en noir et blanc, 150 euros, ISBN 978-0-7148-9677-9.
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Du classicisme en design selon Phaidon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : Du classicisme en design selon Phaidon