Destiné à un public de professionnels, « Museum Buildings. A Design Manual » regroupe soixante-dix études architecturales de musées.
« Même si aujourd’hui les gens se plaisent à remettre le musée en question, emboîtant le pas aux avant-gardes telles que le futurisme, les musées en tant qu’institutions n’ont jamais connu autant de succès qu’actuellement. Jamais autant de gens n’avaient visité les musées auparavant et jamais autant de musées n’ont été construits en aussi peu de temps », remarque Paul von Naredi-Rainer dans l’essai introductif de Museum Buildings. A Design Manual, publié par l’éditeur suisse Birkhäuser. Inscrit dans une collection qui compte déjà un ouvrage sur les plans de maison d’habitation et un autre sur les immeubles de bureau, le livre signé par l’historien de l’architecture s’adresse à un public de professionnels (d’où son prix élevé de 85 euros). Mais s’il aborde des sujets comme la sécurité et le climat, le livre est aussi une somme sur la construction d’édifices contemporains. L’histoire de la constitution du musée comme institution et bâtiment est brièvement retracée. L’auteur rappelle que si les musées prennent leurs racines dans l’Antiquité et apparaissent comme des héritiers des trésors du Moyen Âge et des cabinets de curiosité de la Renaissance, ils sont des inventions du XIXe siècle. Rapide, leur évolution trouve aujourd’hui avec l’ère des loisirs et du tourisme un aboutissement finalement inscrit dans leur constitution et dans leur rapport à l’art, notamment contemporain : « Transformé en médium, le musée ne peut que se justifier comme une antithèse aux mass media. Il est l’instance qui invite à se rappeler l’expérience du temps, de l’espace et des choses », explique l’auteur, soulignant quelques lignes plus loin que « la neutralité du white cube, ce mythe à la peau dure judicieusement apostrophé comme la “fierté de l’ascétisme”, se base sur une conception de l’art qui ne peut pas être considérée comme universelle. Elle soulève plutôt la question de savoir si, à notre époque – dans laquelle le vrai est de plus en plus remplacé par un monde virtuel – adjointe à l’aura de l’œuvre d’art, l’aura de l’espace du musée ne va pas devenir de plus en plus signifiante et importante anthropologiquement. Car le musée offre des expériences spatiales qui deviennent de plus en plus rares à la vue du développement de la société des médias ».
« Free-form spaces »
Actant que la neutralité du musée – même si elle était absolue – est une subjectivité qui fait du musée un espace et un état d’exception, l’ouvrage se garde donc bien de condamner des gestes d’architecte qui se feraient au détriment des œuvres, préférant aligner avec éclectisme soixante-dix bâtiments construits ces quarante dernières années (de la Neue Nationalgalerie de Berlin par Mies van der Rohe achevée en 1968 au Schaulager construit par Herzog & de Meuron près de Bâle et inauguré l’an passé). Ces musées (au sens large puisqu’on y trouve aussi des centres d’art, donc dépourvus de collections) sont ordonnés selon une typologie fonctionnelle : les bâtiments dont la circulation se fait par séquences de salles – le Carré d’Art à Nîmes (Norman Forster, 1992) ou le Musée d’art moderne de San Francisco (Mario Botta, 1995) – ou ceux dont le plan en « matrice » ne considère pas un parcours unique, parfois raccordé à d’autres, mais propose des alternatives avec des connexions spatiales plus ou moins complexes. Quand le Musée de Grenoble (Groupe 6, 1993) s’inscrit sagement dans cette option, les constructions de Hans Hollein complexifient la chose en offrant des raccourcis entre les niveaux (Museum für Moderne Kunst, Francfort-sur-le-Main, 1991). Si le dernier chapitre concerne les bâtiments réaffectés (Tate Modern, Londres, Herzog & de Meuron, 2000), on notera aussi les exemples de constructions marquées par le rejet de l’angle droit (« free-form spaces »). Autre axe de lecture, l’isolation ou l’interpénétration des espaces, ou plan ouvert. Graal des années 1970, où cette option était considérée comme un modèle de transparence démocratique et de neutralité, le schéma semble avoir perdu au fil des années (et des réaménagements des musées, si l’on songe au Centre Pompidou) de sa pertinence, même si la Kunsthaus (1997) de Bregenz, en Autriche, profite du minimalisme assumé de Peter Zumthor pour reformuler ce modèle.
Paul von Naredi-Rainer, Museum Buildings. A Design Manual, Birkhäuser, 2004, 248 p., 85 euros. ISBN 3-7643-6580 (anglais)
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Dessine-moi un musée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°191 du 16 avril 2004, avec le titre suivant : Dessine-moi un musée