Créer la ville, paroles d’architectes

Critique d’architecture au journal Le Monde et observateur de l’architecture depuis « un quart de siècle », Frédéric Edelmann a orchestré pour ce livre la réunion d’un florilège d’articles et d’entretiens recueillis – avec sept de ses collègues – auprès des grands noms de l’architecture et de l’urbanisme de ces vingt dernières années : le vieux Niemeyer, le sage Bernard Huet, le provocateur Rem Koolhaas, le médiatique Jean Nouvel, le déconstructeur Frank Gehry, et bien d’autres... Mais si leurs œuvres constituent la toile de fond de leur propos, les textes étant souvent écrits à l’occasion d’expositions ou de remises de prix, la compilation n’aspire pas à dresser un catalogue des grands travaux de cette jet-set de la construction.
Constatant le désamour du public pour la profession d’architecte ou d’urbaniste, Frédéric Edelmann entend apporter sa pierre à l’édifice de la réhabilitation en révélant la diversité des points de vue de ces bâtisseurs sur un thème majeur : la construction de la ville. Rien à voir en effet entre la conception plasticienne de l’architecture des Suisses Herzog et de Meuron et le dévouement total du bâtisseur au service de ses édifices, revendiqué par le « soldat » Paul Andreu. Les prises de position sont, comme leurs auteurs, parfois contradictoires. Certaines auraient mérité une écoute plus attentive. En novembre 1993, le regretté Bernard Huet livrait sa vision de l’avenir de la ville : « Il faut tourner le dos aux grands gestes architecturaux spectaculaires, refuser l’abstraction, la déréalisation de l’architecture, avoir le courage de rentrer dans l’âge du bricolage ingrat et banal. Pourquoi l’architecture serait-elle plus épargnée par la crise des valeurs que le reste de la société ? » Dix ans plus tard, ce message paraîtrait presque prophétique...