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Conjuguer Gauguin

Par James Benoit · L'ŒIL

Le 21 décembre 2017 - 350 mots

Ce sont deux belles rééditions que proposent dans un même mouvement les éditions de La table ronde cet automne : Avant et après, [préface de Jean-Marie Dallet], dont l’écriture, de la main même de Paul Gauguin, date de 1903, et Je, Gauguin, autobiographie imaginaire de J.-M. Dallet parue pour la première fois en 1981.

Cette sortie conjointe, à la fin d’une saison dédiée à célébrer Gauguin, permet une mise en parallèle des deux livres au sujet commun, la vie de l’artiste et à la personne commune, le Moi de l’homme. Tous deux sont ceints par le même auteur, connaisseur presque intime du peintre, tant leurs empreintes et leurs géographies se recoupent. Résolument, le flou est jeté.

On reconnaît dans le roman de Dallet, autobiographie fictionnelle à la première personne, la tournure habilement empruntée au style brut de Gauguin. Aussi, la préface qu’il signe au texte du peintre fait écho à son récit dont, sans reprendre les thématiques, il prolonge la vision. Ce jeu d’interpénétrabilité offre une mise en abyme de la personnalité de l’artiste à travers l’esprit de l’écrivain. Dès lors, la question de l’identité artistique se pose. Au-delà de l’homme dont la peinture fait partie de la vie, qu’est-ce qui fait la présence au monde d’un artiste, quelles constructions mythiques en son nom, quels traits de personnalité, quelles justifications ? Là où, à travers ses notes éparses et sans suites apparentes, Gauguin semble éviter soigneusement la part d’autofiction inhérente à la composition d’une biographie, le roman de Dallet construit son « je » dans la continuité temporelle et contextuelle d’une mémoire qui se réciterait, presque matériellement, au terme de sa vie. Sans doute pour mieux aborder la sincérité de l’homme faudra-t-il commencer par lire le roman dont l’identité fictionnelle dévoile certaines faces cachées, avant de se plonger dans l’expression de ses propres mots. C’est entendu, l’art n’imite pas la vie, il l’invite et la transcende. Mais que penser du spectacle qu’on se fait d’une personnalité historique et de ce qu’on sait de sa vie dès lors que son imitation parle mieux à l’esprit et nous en apparaît d’autant plus vraie ?

 

Paul Gauguin,
Avant et après,
éditions de La Table ronde, préface de Jean-Marie Dallet, 272 p., 8,90 €.
Jean-Marie Dallet,
Je, Gauguin,
éditions de La table ronde, 238p., 8,90 €

 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°708 du 1 janvier 2018, avec le titre suivant : Conjuguer Gauguin

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