Alors que le Laboratoire de recherche et le Service de restauration de la Direction des Musées de France viennent de fusionner sous la houlette de Jean-Pierre Mohen (lire le JdA n° 75), celui-ci publie un livre sur Les sciences du patrimoine. Alternant études de cas, références philosophiques et réflexions personnelles, le préhistorien s’interroge sur la transmission de l’héritage culturel aujourd’hui.
Connaissez-vous la truite à fourrure du Grand Nord, fabriquée au XVIIe siècle pour témoigner de l’adaptation des espèces à leur milieu ? Savez-vous qu’au Japon, l’entretien des temples shintoïstes passe par leur destruction périodique ? L’argument de la conservation et de l’accessibilité d’une œuvre peut-il primer sur celui de l’identité culturelle, comme André Malraux l’avait plaidé, après avoir “prélevé” les bas-reliefs d’un temple khmer ?
L’ouvrage de Jean-Pierre Mohen fourmille d’anecdotes, parfois savoureuses, qui interpellent le lecteur sur des thèmes tels que la notion d’authenticité, notre appréhension des témoignages du passé, les méthodes de conservation et de préservation, la question de l’identité culturelle ou celle des relations entre art et idéologie. Mais le propos de l’auteur dépasse le simple répertoire thématique, pour développer une réflexion de fond sur la notion même de patrimoine.
Partant du postulat que la transmission de l’héritage culturel est en crise – “la vision révélée et statique de l’homme et de la valeur artistique de ses œuvres était celle d’une humanité qui occupait le centre de l’univers” –, le directeur du Centre de recherche et de restauration des Musées de France montre comment les sciences peuvent aider à assurer cette transmission qui, désormais, “laisse toute sa responsabilité au choix politique et citoyen”. Se plaçant dans une lignée humaniste, sous la protection de Freud, Paul Ricœur, Hannah Arendt et même Jean Clair, l’analyse de Jean-Pierre Mohen emprunte à la fois à l’anthropologie, à la philosophie, aux sciences et à son expérience propre. Reste un doute, déjà sensible dans le débat sur l’art contemporain : le patrimoine est-il réellement en crise ? Ses acteurs oscillent-ils vraiment entre “l’angoisse du trop de mémoire et celle du trop de honte d’absence de mémoire”, ou doivent-ils simplement prendre en compte une plus large définition de l’héritage culturel ?
Significativement, cette réflexion, longuement développée dans la première partie, intègre peu d’exemples concrets, alors que ceux-ci forment l’architecture des chapitres suivants.
Jean-Pierre Mohen, Les sciences du patrimoine, identifier, conserver, restaurer, Odile Jacob, 370 p., 97 ill. noir et blanc, 188 F. ISBN 2-7381-0660-9.
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Au secours du patrimoine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°79 du 19 mars 1999, avec le titre suivant : Au secours du patrimoine