« Délivrer le peintre de sa réputation bien établie de splendide décorateur, de maître de l’élégance chromatique et de la surface spectaculaire » ; montrer combien « Véronèse se révèle un peintre plus profond et plus imaginatif qu’on ne l’a généralement supposé, sincèrement sensible et réceptif avec créativité aux sujets qu’il devait peindre ».
Tel est le parti pris de l’historien de l’art David Rosand, dont les recherches menées depuis 40 ans sur Véronèse aboutissent aujourd’hui avec l’ouvrage paru chez Citadelles et Mazenod. Professeur émérite à l’université de Columbia, New York, où il enseigne depuis 1964, spécialiste de la Renaissance italienne et particulièrement de l’art vénitien, auteur de divers ouvrages sur le sujet, David Rosand est aussi directeur de projet pour « Save Venice, Inc », l’organisation consacrée à la sauvegarde de la Sérénissime. Pour dépasser cette vision d’un « peintre de la joie », souligner l’« intelligence picturale » et le « génie inventif » de Véronèse, l’auteur se concentre sur des compositions emblématiques telles les célébrissimes Noces de Cana (1562-1563), qui marquent le début d’une série de commandes de banquets bibliques. « Plutôt que d’essayer d’insérer les tableaux dont je parle dans une narration séquentielle de l’œuvre, j’ai souhaité plus profondément, suivre l’imagination de l’artiste », résume-t-il. L’ouvrage s’organise selon de grands chapitres thématiques (Le Triomphe à Venise, Scénographie et geste théâtral, Banquets célèbres, Tableaux d’autel et de dévotion, Effigies aristocratiques, Mythe et allégorie…), qui suivent une trame chronologique retraçant la carrière de Véronèse.
La démonstration s’appuie sur les études consacrées au peintre de Vérone, depuis la monographie de Giuseppe Fiocco en 1928 jusqu’aux études de John Garton ou Lionello Puppi, en passant par le catalogue raisonné des peintures paru en 1976 sous la plume de Terisio Pignatti et réédité dans une version enrichie en 1995 avec la participation de Filippo Pedrocco, sans oublier les études techniques publiées sous la direction de Giovanna Nepi Sciré, les textes de Diana Gisolfi et de Sergio Marinelli pour l’œuvre de jeunesse ou ceux de Philipp Fehl pour les tableaux religieux. David Rosand, lui, souhaite plonger ses lecteurs dans les profondeurs de l’imagination du maître italien, s’attachant à percer son processus de création, la manière dont il met en scène des épisodes bibliques ou mythologiques, sa façon de créer une émotion. L’iconographie n’est, malheureusement, pas toujours à la hauteur du texte. Si certaines reproductions permettent de mesurer en détail le génie de Véronèse, d’autres images s’avèrent de mauvaise qualité. Sans éviter les épineuses questions de datation et d’attribution sur lesquelles continue de se déchirer la communauté scientifique – notamment au sujet du degré de participation des collaborateurs d’un atelier pour le moins prolifique –, David Rostand se consacre donc avant tout à « l’inventivité de son pinceau ».
David Rosand, Véronèse, éditions Citadelles & Mazenod (coll. Les Phares), Paris, 2012, 464 p., 189 euros, ISBN 9782-85088-524-2
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Au plus près de Véronèse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : Au plus près de Véronèse