ATAO

Ce livre est étonnant. Il est conçu et construit non pas comme un livre d’art mais comme un objet d’art. Le texte, même si l’on y trouve les signatures de Jean Genet, Max Jacob, ou Robert Desnos, se résout à la partie du figurant, à une ponctuation. L’important est la mise en rapport des images. Si on les avait toutes mises bout à bout sur un mur, on aurait obtenu une sorte de diaporama fixe, une sorte d’« accrochage » sur papier, une exposition. Ces images (photographies anciennes ou modernes, cartes-postales, gravures, peintures) représentent à la fois les beautés naturelles, le folklore, l’artisanat, la sculpture, l’architecture balnéaire aussi bien que celle des menhirs, des milliers d’images d’une région à la fois si fréquentée et encore mystérieuse. La démarche de Jacques Damase est belle. Il rapproche, il fait dialoguer, il oppose, il ose établir des ponts entre des non-évidences, il isole des détails. Sans complexes, il fait jouer des images qu’il s’est approprié, il leur fait dire ce qu’il veut, ce qu’il sent. Un parti pris très esthétique et émouvant. Et même si l’on aurait souvent, par curiosité, voulu avoir plus d’explications, tant pis, ce n’est pas le jeu. Le jeu, très contemporain, est de mettre en regard des silex ajourés et le toit d’un dolmen, une fougère face au lys et à l’hermine, un bloc préhistorique gravé face à un catalogue de coiffes, une ronde costumée face à un tumulus, une Vierge qui s’ouvre face à un phare. Des images qu’il faut « prendre dans le désordre, la simplicité et le dédoublement », comme l’écrit Chris Marker dans son livre le Depays.