PARIS [28.02.13] – Une œuvre peinte méconnue, une carrière de cinéaste en marge mais emblématique dans l’histoire du cinéma français, Maurice Pialat est mis à l’honneur par la Cinémathèque française, dix ans après sa mort, grâce à l’important don fait à l’institution par Sylvie Pialat, son épouse.
La Cinémathèque organisait en 2011 une exposition sur Stanley Kubrick, un cinéaste qui avait commencé sa carrière par l’utilisation d’un autre médium d’expression, la photographie. C’est au tour de Maurice Pialat d’être présenté, en établissant cette fois un véritable dialogue entre ses deux corpus de création.
A la mort de Pialat en 2003, Sylvie Pialat avait exhumé l’œuvre graphique de son mari pour l’exposer une première fois à l’institut Lumière de Lyon. L’œuvre picturale du cinéaste, très peu montrée donc et par laquelle débute l’exposition, comprend dessins, gouaches et huiles sur toiles. 33 peintures et 16 dessins permettent de rendre compte de ses débuts artistiques dans les années 1940, où Maurice étudiait à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs. Il expose plusieurs années au Salon des moins de 30 ans, et notamment en 1946 aux côtés d’un autre artiste, peintre à ses débuts, Serge Gainsbourg.
Pialat peintre, exerce un geste expressif, accorde une grande importance à la touche, épaisse dans ses huiles, à la couleur dans ses gouaches. Paysages (urbains, bucoliques ou marins), autoportraits, portraits d’enfants, il se situe parfois à mi-chemin entre figuratif et abstraction, comme la manifestation d’une hésitation inhérente à des débuts. Plus tard, Pialat parle de sa peinture en disant : « il aurait fallu travailler encore quelques années ». « Au début, on fout tout en l’air car forcément, la main n’est pas là ». A cette citation en répond une autre, située sur la cimaise opposée : « Tout est dans le regard. On disait de Monet : "ce n’est qu’un œil, mais quel œil !" Je ne suis pas Monet mais je pense que j’ai un œil. Un film, c’est toujours mon regard ».
Chez Pialat, l’œil, initié à la peinture, a été davantage développé au contact de l’image mouvante. Certaines de ses toiles sont fortes, on y trouve quelques références probables à la scène artistique parisienne du début du XXe siècle, comme Utrillo ou Soutine. D’autres gouaches s’approchent quant à elles de l’œuvre de Jean-Michel Atlan ou même d’autres toiles du groupe Cobra. Mais Pialat s’est arrêté de peindre, probablement pour des raisons financières, laissant en interruption un travail en évolution.
Un couloir de l’espace d’exposition propose une galerie du temps, sombre, et dont les planches-contacts de certains films, organisées de manière chronologique, sont rythmées par quelques caissons rétro-éclairés présentant des photogrammes agrandis.
La partie consacrée à son œuvre cinématographique est illustrée par des archives variées (correspondances, documents de tournage), des affiches, photographies de tournages, bouts d’essais et autres extraits vidéos.
Une de ses rares œuvres peinte titrée, L’enfant ivre, trouve une résonance avec son premier film, L’enfance nue de 1968. L’enfance, source d’inspiration jusqu’a son dernier long-métrage Le Garçu de 1995.
Mais entre ces deux films, l’apogée de la rencontre entre peinture et cinéma dans l’œuvre de Maurice Pialat s’exprime avec Van Gogh. En 1964, parmi les nombreux courts-métrages qu’il réalise à cette période, Pialat en consacre un à Auvers-sur-Oise, dernier lieu de résidence du peintre hollandais. Serge Toubiana, commissaire de l’exposition, écrit dans le catalogue : « le sujet Van Gogh le préoccupe, l’obsède. Près de trente ans plus tard, il envisage un film de fiction sur le peintre, avec évidemment l’intention d’éviter toute approche académique ».
Pour Van Gogh (1991), Pialat évite donc la grande fresque historique en costumes avec reconstitution de décors artificiels, mais cherche avant tout l’enregistrement d’un « effet de vie » comme le mentionne Jean-Luc Godard dans une lettre. Le réalisateur emblématique de la Nouvelle Vague écrivit à Pialat pour lui faire part de son admiration pour le film. Utilisant quelques termes relevants du lexique pictural, et lui faisant comprendre qu’il aurait dépassé la peinture avec cette œuvre cinématographique, elle apparaît comme une consolation au sentiment de remord possible que Pialat aurait pu ressentir, lié à l’abandon de son premier outil d’expression: « chose infiniment rare et touchante, le film est entré en nous de partout, pas comme un tableau, même sublime, mais comme un effet de vie, son souvenir est autour et dedans, pas seulement devant le regard ».
Cinémathèque française, Paris
20 février 2013 – 7 juillet 2013
www.cinematheque.fr/fr/expositions-cinema/maurice-pialat.html
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Maurice Pialat, histoire de toiles
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Abonnez-vous dès 1 €Affiche de l'exposition « Pialat. Peintre & Cinéaste. », à la Cinémathèque, du 20 février au 7 juillet 2013.