En dépit d’un nombre très élevé de vacations, les ventes de design ont dépassé les estimations basses avec près de 22 millions d’euros enregistrés fin novembre sur ce secteur.
PARIS - Au moment où Alice au pays des merveilles fêtait son 150e anniversaire, un lapin signé Claude Lalanne – et que n’aurait pas renié l’héroïne de Lewis Caroll – était la vedette d’une semaine parisienne d’arts décoratifs et de design, marquée par le succès de la sculpture et du mobilier épuré des designers français des années 1950. Ce monumental léporidé, cédé 903 000 euros par Sotheby’s, était la figure de proue d’une vente intégralement consacrée au couple de créateurs, un succès avec 96 % de lots vendus et 4,7 millions d’euros récoltés. Sotheby’s a ainsi obtenu un chiffre d’affaires de 8,6 millions d’euros pour ses deux vacations (215 lots), un total voisinant les 7,5 millions enregistrés en 2014 – mais à l’époque pour une seule et unique vente. Côté généraliste, le succès est également venu couronner la sculpture, de Gustave Miklos (369 000 € pour ses Fiancés) à François Pompon (225 000 € pour sa Panthère noire), tandis que la bibliothèque modulable de Charlotte Perriand des années 1960 (estimée 300 000-500 000 €) restait sur le carreau.
Christie’s proposait elle aussi une vacation supplémentaire, une vente du jour à l’exemple de celle organisée en mai, lui permettant de cumuler un montant global de 6,5 millions d’euros avec sa vente du soir pour 340 lots (contre 4,7 millions en 2014 pour seulement 68 lots). Parmi les pièces phares, figurait une sculpture lumineuse de Miklos (445 500 €), un grand Rhinocéros de Java de Rembrandt Bugatti (457 500 €), et une enfilade d’Eugène Printz (est. 400 000-600 000 €) qui n’a pas trouvé preneur. Mais c’est le mobilier fonctionnaliste de Jean Prouvé qui a été la vedette : sa Table centrale, réalisée en 1956 pour la cité universitaire d’Antony (Hauts-de-Seine), a été emportée pour 481 500 euros – loin du record à 1,3 million d’euros obtenu chez Artcurial lors de la dernière édition de la Fiac pour un modèle semblable mais unique et légèrement plus large. Cette saison, la maison installée à l’hôtel Dassault a réalisé 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires avec trois ventes, respectivement axées sur les arts décoratifs, le design, et le design scandinave, une nouveauté introduite en mai. « La clientèle n’est pas la même, aussi nous organisons des vacations ciblées plutôt que de proposer un même ensemble », explique Emmanuel Bérard, directeur du département design d’Artcurial. Si la session consacrée aux arts décoratifs a connu un succès moyen, (35 % d’invendus), la section design a bien fonctionné (1,8 million d’euros), dépassant son estimation. Les lots phares étaient à nouveau signés de la main de designers français des années 1950 : Jean Prouvé, dont une suite de huit chaises standard a quadruplé l’estimation basse (156 800 euros), Charlotte Perriand et sa bibliothèque Maison de la Tunisie ou Pierre Jeanneret et son mobilier créé pour Chandigarh. « Une des raisons du succès de ces designers est qu’ils se raréfient sur le marché », explique Emmanuel Bérard. En revanche, chez Tajan, près de 60 % des lots de la vacation d’arts décoratifs n’ont pu trouver acquéreur. Plus mauvais encore fut le bilan de ses sessions de design et design scandinave de début novembre, dont les taux de vente ont stagné respectivement à 39 % et 23 %. Piasa a fait mieux avec sa vente de design italien programmée le 18 novembre (1,1 million d’euros), mais repart également bien chargée avec seulement 46 % de lots vendus. Même constat à Bruxelles chez Pierre Bergé et Cornette de Saint Cyr.
Un créneau vecteur d’image
Ces résultats conduisent à s’interroger sur l’inflation du nombre de ventes et de lots, un phénomène caractérisant cette saison. Le design obtient de beaux succès, et ce secteur est un intéressant vecteur d’image, aussi chaque opérateur entend montrer qu’il est présent sur ce créneau. « Le volume est un peu pléthorique », concède Cécile Verdier, responsable du département européen d’arts décoratifs chez Sotheby’s. « Mais tout le monde rêve un peu sur la taille de ce marché, qui n’est en effet pas extensible », poursuit-elle. Selon elle, le marché mondial pourrait représenter de 120 à 150 millions d’euros. Et la stratégie du volume a des effets négatifs pour l’image des opérateurs. Les vendeurs comme les acheteurs ont du mal à trier le bon grain de l’ivraie, tandis que les marchands voient d’un mauvais œil se développer cette concurrence.
Paris, berceau historique de la spécialité, reste aujourd’hui la seconde place de marché pour les arts décoratifs et le design, derrière New York. Mais Londres montre des signaux laissant présager un développement dans ce domaine, avec l’ouverture de galeries, à l’exemple de celle de Patrick Seguin, ou la relance des ventes de Sotheby’s.
Toutes les estimations sont indiquées hors frais acheteur tandis que les résultats sont indiqués frais compris.
ARTCURIAL ARTS DÉCORATIFS, LE 24 NOVEMBRE
Estimation : 1,5 M€
Total : 1,6 M€
Nombre de lots vendus : 91 sur 141
Taux de vente : 65 %
ARTCURIAL DESIGN, LE 1er DÉCEMBRE
Estimation : 1,3 M€
Total : 1,8 M€ (2014 : 1,8)
Nombre de lots vendus : 283 sur 326
Taux de vente : 87 %
ARTCURIAL DESIGN SCANDINAVE, LE 1er DÉCEMBRE
Estimation : 1,3 M€
Total : 709 000 €
Nombre de lots vendus : 62 sur 111
Taux de vente : 56 %
CHRISTIE’S DESIGN, LE 23 NOVEMBRE/VENTE DU SOIR
Estimation : 4,3-6,2 M€
Total : 5,7 M€ (4,7 en 2014 ; 5,5 en 2013)
Nombre de lots vendus : 150 sur 184
Taux de vente : 82 %
CHRISTIE’S DESIGN, LE 23 NOVEMBRE/VENTE DU JOUR
Estimation : 967 500 €-1,2M€
Total : 783 250 €
Nombre de lots vendus : 90 sur 156
Taux de vente : 77 %
PIASA DESIGN ITALIEN, LE 18 NOVEMBRE
Estimation : 1,2 M€
Total : 1,1 M€
Nombre de lots vendus : 118 sur 256
Taux de vente : 46 %
SOTHEBY’S DESIGN, LE 24 NOVEMBRE
Estimation : 3-4 M€
Total : 3,8 M€ (7,5 en 2014)
Nombre de lots vendus : 98 sur 139
Taux de vente : 70 %
LES LALANNE, LE 24 NOVEMBRE
Estimation : 2,4-3 M€
Total : 4,7 M€
Nombre de lots vendus : 73 sur 76
Taux de vente : 96 %
TAJAN ARTS DÉCORATIFS DU XXE, LE 24 NOVEMBRE
Estimation : 1,1-1,5 M€
Total : 1,4 M€
Nombre de lots vendus : 96 sur 222
Taux de vente : 43 %
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Une inflation de vacations
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°447 du 11 décembre 2015, avec le titre suivant : Une inflation de vacations