PARIS
Cinq marchands parisiens occupent le terrain en proposant une exposition chacun dans leur galerie et spécialité autour d’un thème fédérateur, l’animal.
Paris. La majorité des foires ayant été reportées à 2022 à la suite de la crise sanitaire, certains marchands parisiens se mobilisent pour organiser des événements dans leurs espaces. Ainsi, jusqu’au 10 juillet, les galeries germanopratines Jacques Barrère, Chenel, Xavier Eeckhout, Jacques Lacoste et Lucas Ratton s’unissent le temps d’une exposition autour d’un thème. L’animal, sous toutes ses formes depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, thème classique mais vaste, a l’avantage de traverser les époques et les continents ; en outre il est facile à décliner dans les différentes spécialités. « L’idée remonte à six mois. Nous nous sommes dit que même si c’était une année compliquée, il ne fallait pas se laisser aller », rappelle Gladys Chenel. « Tout est parti d’une discussion entre amis : comment faire pour ramener les gens dans les galeries. D’emblée, nous savions qu’il fallait un thème pour rallier le public et nous voulions un marchand par spécialité », ajoute Xavier Eeckhout. Pour donner une unité d’ensemble, les organisateurs ont fait appel au décorateur Victor Cadene, qui s’est chargé de la scénographie : des panneaux colorés peuplés d’animaux parent ainsi chaque espace d’exposition. La manifestation a vocation à être réitérée, sans doute une fois par an, selon un thème et dans un décor différents, sous la bannière « Itinéraire Saint-Germain ». Les initiateurs du projet ne savent pas encore si le nombre de participants est appelé à augmenter.
La manifestation a été conçue comme une balade de galerie en galerie. Le visiteur peut suivre un itinéraire, en commençant par exemple à la Galerie Chenel (3, quai Voltaire, Paris-7e). Spécialisée dans l’art antique, mais aussi, de longue date, dans les céramiques de Picasso, celle-ci expose une trentaine de pièces du maître ornées d’animaux, tel un oiseau modelé où apparaissent encore les traces des doigts du maître. Jamais montrée, l’œuvre est proposée à 160 000 euros. La galerie expose également une Panthère assise en marbre biglio antico (gris antique), un travail romain du IIe siècle apr. J.-C. conservé dans la même famille depuis le début du XIXe siècle (750 000 €) ; un Babouin de la même période (60 000 €) et un Protome de lion romain, du IIe siècle apr. J.-C. (240 000 €), deux pièces inédites.
Le visiteur poursuit son parcours chez Jacques Lacoste (12, rue de Seine, Paris-6e) pour y découvrir des représentations animalières dans les arts décoratifs du XXe siècle. Le marchand a eu un peu plus de mal que ses confrères à répondre au thème mais ils s’en sort bien avec : une paire d’appliques d’Albert Cheuret en bronze et albâtre représentant un dragon, années 1920 (15 000 €) ; un panneau en laque de Paul-Étienne Saïn, La Forêt française , 1929 (150 000 €) ; ou encore un bureau de Carlo Bugatti à décor d’ibis, provenant d’une villa des environs de Florence (130 000 €).
L’arrêt suivant se fait au 11, rue Bonaparte (6e), à la Galerie Lucas Ratton, spécialisée dans les arts premiers. Parmi la trentaine d’œuvres d’art d’Afrique exposées – l’Afrique a une forte tradition autour de la figure animale –, on découvre une statuette Senoufo surmontée de l’oiseau calao, Côte d’Ivoire, XIXe, provenant de l’ancienne collection Philippe Ratton (autour de 200 000 €) ; un boli du Mali de forme anthropomorphe, de l’ex-collection Jacques Kerchache, ou encore un Singe Baoulé. En parallèle, le jeune marchand, qui a eu accès à plusieurs collections d’œuvres de François-Xavier Lalanne (notamment à la Fondation des Treilles), expose une dizaine de pièces de l’artiste, parmi lesquelles ses iconiques moutons ou encore un Âne bâté en bronze.
La Galerie Jacques Barrère (36, rue Mazarine) prend le relais pour la partie arts d’Extrême-Orient. « Le sujet était facile pour nous, puisque la Chine est un peuple de fermiers, proches des animaux, tandis qu’en Inde il y a des divinités à tête d’animal », indique Antoine Barrère. On y découvre un Cheval en bois d’époque Han (120 000 €) – il n’en existe qu’une dizaine dans le monde ; les 12 animaux du zodiaque portés chacun par un dignitaire, époque Ming (35 000 €), ou encore Ganesh (divinité à tête d’éléphant), Inde, Xe-XIIe siècle, en granit (60 000 €).
Le parcours s’achève chez Xavier Eeckhout (8 bis , rue Jacques-Callot), qui a eu encore moins de peine à coller au thème puisqu’il est spécialisé dans la sculpture animalière de 1880 à 1950. Le marchand montre ainsi un bronze de Rembrandt Bugatti, Zèbre et Antilope, joue contre joue , 1910 (400 000 €), un Canard en plâtre de Pompon, 1923 (15 000 €), un Chat assis de Jan et Joël Martel, 1925 (20 000 €), ou encore deux Fennec assis , l’un en bronze et l’autre en terre cuite, d’Édouard Marcel Sandoz.
Force est de constater que les événements « inter-galeries » tendent à se multiplier. Au risque de voir disparaître les grandes manifestations internationales ? Probablement pas, mais de nombreux marchands ont déjà émis le souhait de réduire leur participation aux foires. « Je n’en ferai que deux ou trois maximum. Les foires pour exposer une pièce phare et la galerie pour y organiser des expositions », confie Xavier Eeckhout. « Nous avons été pris dans un engrenage avec les foires. Je ne dis pas qu’il n’en faut plus, mais il faut un juste milieu. En tout cas, ce coup d’arrêt a permis aux marchands de se recentrer sur leur galerie et leur clientèle », estime pour sa part Lucas Ratton.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un « Itinéraire Saint-Germain » autour de la figure animale
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°569 du 11 juin 2021, avec le titre suivant : Un « Itinéraire Saint-Germain » autour de la figure animale