Une œuvre de Fra Angelico inédite, depuis plus d’un siècle en mains privées, est présentée jusqu’au 19 décembre chez Giancarlo Gallino, à Turin, dans le cadre de l’exposition “Quatorze peintures de maîtres de 1310-1565�?.
TURIN - Peu savaient qu’il manquait au catalogue de Fra Angelico un inédit, depuis plus de cent ans propriété de collectionneurs privés opposés à sa publication et à sa diffusion, mais deux personnes en étaient sûres : Luciano Bellosi et Miklós Boskovits. Aujourd’hui entre les mains du galeriste turinois Giancarlo Gallino, l’œuvre est exposée jusqu’au 19 décembre.
De très petit format (21,5 x 12 cm), peinte à la détrempe, elle représente le Christ en croix parlant à deux saints de l’ordre des Dominicains. Dans le catalogue, Luciano Bellosi fait remarquer que les veinures verticales du bois “semblent exclure qu’il s’agisse d’un panneau de prédelle”. Avec une gamme chromatique réduite à l’essentiel dans ce petit tableau, Fra Angelico est parvenu “à montrer sa confiance dans les nouveaux idéaux de la Renaissance en représentant une architecture éclatante d’ornements à l’antique, donc extrêmement modernes, dans un espace orienté vers des arcs en plein cintre et dans les très beaux pilastres de pierre bleutée. C’est une composition architecturale qu’il réutilisera plusieurs fois, par exemple dans la Circoncision de l’Armadio degli argenti”, poursuit-il.
Federico Zeri s’accordait lui aussi à y reconnaître la main du maître, y voyant une peinture de jeunesse, du temps où Fra Giovanni da Fiesole était plus proche du clair-obscur sculptural de Masaccio que de la lumineuse peinture de Domenico Veneziano. La composition des personnages et l’encadrement des perspectives se réfèrent directement à la Trinité exécutée par Masaccio dans l’église Santa Maria Novella, à Florence. Dans une vidéo réalisée sur cette œuvre inédite, Zeri donnait une magistrale leçon d’histoire de l’art. Il estimait que ce petit panneau pourrait avoir été peint entre la fin des années 1420 et le début de la décennie suivante pour le couvent de San Marco, ou plus précisément pour un père du couvent avec lequel le peintre était très lié, faisant remarquer que “le visage de profil du Dominicain de gauche n’est pas une physionomie de répertoire, mais bien un portrait, et probablement celui du commanditaire”.
Le Christ parle aux saints frères : ses paroles sont rapportées par deux inscriptions en diagonale qui descendent vers les deux personnages. Tout est rendu avec une extraordinaire minutie : pas un seul détail ne laisse supposer l’intervention d’un élève – évidemment impensable pour un tableau aussi petit – ni aucune faiblesse d’exécution. Federico Zeri soutenait également que selon toute probabilité, le tableau avait été créé comme une œuvre autonome, destinée à la dévotion privée du commanditaire. Il serait en effet difficile de le rapprocher d’autres sujets religieux à l’intérieur d’un grand ensemble, sans compter que les inscriptions ne sont lisibles que de près. Reste à espérer, comme autrefois Zeri, que les archives de l’aristocratie florentine restitueront l’histoire de cette œuvre en prouvant qu’elle est issue d’une grande collection.
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Un Fra Angelico inédit
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°71 du 20 novembre 1998, avec le titre suivant : Un Fra Angelico inédit