Christie’s

Un cabinet presque parfait

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 23 janvier 2004 - 582 mots

Le 17 décembre, les dessins de la collection du marquis de Calvière ont séduit les amateurs.

 PARIS - C’est dans une effervescence attendue que le 17 décembre 2003 chez Christie’s s’est déroulée la dispersion d’un carnet de dessins du marquis de Calvière (1728-1810), un des amateurs et collectionneurs éclairés les plus connus de son temps. « L’apparition sur le marché de cette collection sortie tout droit du XVIIIe siècle a constitué un rare événement dans le marché de l’art », commente Nicolas Schwed, directeur international du département des Dessins anciens et du XIXe siècle chez Christie’s. Plus de dix records du monde ont été enregistrés, à commencer par L’Allégorie de la Peinture par Salvator Rosa, un dessin acheté à la vente Pierre Crozat à Paris en 1741 qui a été vendu 371 250 euros, plus du double de son estimation haute. Autre record et deuxième prix de la vacation, Le Martyre de saint André de Domenichino, une étude pour la fresque de la demi-coupole du chœur de l’église S. Andrea della Valle à Rome, adjugée 174 250 euros, qui avait quant à elle été acquise en 1775 à la vente Pierre-Jean Mariette. Les collectionneurs privés du monde entier, très présents sur place ou au téléphone, ont emporté les feuilles les plus rares. Au total, 47 lots sur les 65 présentés ont trouvé preneurs, rapportant 1,3 million d’euros, soit 79 % de la somme escomptée. Malgré le pedigree exceptionnel, le marché s’est montré sélectif, boudant les dessins surestimés par rapport à leur qualité. Ainsi, les 80 000 euros minimum espérés pour un second dessin signé Rosa, le Portrait d’une femme en buste au pastel, ont découragé les enchérisseurs. De l’avis général, le Thétis et les néréides guidant l’Argo entre Charybde et Scylla, dessin préparatoire à la fresque peinte par Agostino Carrache au Palazzo del Giardino à Parme en 1601-1602, ne valait pas son prix de réserve de 150 000 euros.
Sur les deux paysages animés de figures et d’animaux dessinés par Berchem, une paire acquise précieusement par le marquis de Calvière à la vente Julienne en 1767, seul celui montrant des Vaches traversant un gué avec un couple et un chien est parti, pour 68 150 euros, soit trois fois son estimation haute. Le second, une composition moins belle illustrant Un couple sur un âne traversant un gué avec des vaches, a été ravalé, n’ atteignant pas son estimation basse de 10 000 euros. La Résurrection de Lazare par Zuccaro n’a pas inspiré davantage les amateurs tant la pièce, dans un état moyen, était dificilement acceptable, même pour 20 000 euros. Quant aux deux compositions de Rubens estimées 70 000 euros chacune, une Vierge à l’Enfant d’après Corrège et une scène montrant Persée brandissant une tête de Méduse à ses ennemis inspirée de Polidore de Caravage, elles n’ont pas convaincu le public sur leur attribution.
Ces erreurs d’appréciation, résultat de la pression des vendeurs exercée sur la maison de ventes pour céder au plus haut la collection de leur aïeul, n’ont pu être vraiment corrigées par des achats after sale, qui demeurent possibles dans les quinze jours suivant la vacation, aux prix auxquels ils ont été ravalés. En effet, le surlendemain de la dispersion de la vacation Calvière, sortait le catalogue de la prochaine vente de prestige de dessins anciens du 22 janvier chez Christie’s à New York. Les amateurs de dessins, tout émoustillés de voir apparaître de nouvelles feuilles sublimes sur le marché, avaient déjà tourné la page de la vente Calvière.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°185 du 23 janvier 2004, avec le titre suivant : Un cabinet presque parfait

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