PARIS - Si elle se dit « fascinée par la distinction que l’on fait entre un meuble, une sculpture et un objet », ce n’est pas pour Nathalie Elemento une manière de hiérarchiser ou de classifier les objets pour eux-mêmes, d’accorder de la noblesse aux uns et de la fonction aux autres, non.
Et d’ailleurs, devant nombre de propositions de cette Parisienne qui expose (depuis 1993 avec son exposition personnelle et le Salon de Montrouge) un travail conduit dans un esprit de cohérence tracé le long d’une ligne claire et précise, fondé sur une position de sculpteur, bien malin qui pourrait identifier ce qui fait meuble de ce qui fait sculpture. L’objet, en quelque sorte, n’est pas l’essentiel, et moins encore sa catégorie, sa classification. L’enjeu tient davantage à la manière dont les pièces amènent le spectateur, doucement mais sûrement, à interroger soi-même dans le rapport à l’objet d’usage, à l’espace habité, à l’espace vital et à l’espace vécu. Ses pièces sont très souvent préhensibles, à l’échelle de l’usage ; elles sont même souvent fonctionnelles. Mais ce n’est pas essentiellement leur fonction qu’elles mettent en œuvre : bien plus notre manière de fonctionner avec elles, d’avoir appris à entretenir un rapport d’usage avec la table, le siège, l’étagère. Elles sont aisément préhensibles, comme doit l’être un objet de design réussi. Bien plus encore, elles mettent en jeu la manière dont elles sont compréhensibles, dont elles mettent à l’épreuve, par décalage, par glissement, par l’équivoque, par ce que Freud parlant du mot d’esprit nomme la « suspension d’évidence », la perception des choses et lieux que nous habitons – ou qui nous habitent. L’habitude n’est jamais loin. Et aussi le jeu : souvent par le jeu de mot des titres ou parfois des inscriptions, parfois par référence au jeu d’enfant. À la galerie Fournier, les œuvres sont produites avec une précision et des matériaux (métal peint, résine) d’objet industriel. Le jeu sur l’échelle, la relation au corps, l’objet, la frontalité du tableau ou l’autonomie de la sculpture, traversent des pièces qui s’offrent à la tentation du pliage. Prédécoupé comme des cartonnages à mettre en forme, à la dimension de l’assiette décorative que l’on met au mur, de la boîte à pizza ou du meuble, chacune des pièces – plus d’une dizaine de volumes et pièces aux murs, dont des miroirs, des dessins car ils sont essentiels à la conception des pièces et une photographie – joue de cette figure du pli et du pliage, avec ces prédécoupages et prépliages inscrits. Ici dans la tôle, là dans la structure en résine peinte. Les objets et les gestes familiers sont à la fois invités et congédiés, l’esprit de la cocotte en papier confronté à celui de la stèle, de la cellule, du monochrome. L’esprit de l’escalier n’est pas loin non plus, comme une figure spatiale de l’association mi-arbitraire mi-analogique, hasardeuse et plaisante. On peut aisément imaginer comment dans un intérieur habité, chez ses collectionneurs (et il en est de très fidèles), les pièces occupent l’espace familièrement, comme des objets d’usage, mais avec cette résistance, cette tonalité parfois même un peu grave qui en font assurément des sculptures.
Prix : de 1500 à 20 000 €
Nombre d’œuvres : 17 sculptures et reliefs au sol ou au mur, 2 dessins, 1 photographie
Jusqu’au 31 mars, Galerie Jean Fournier, 22 rue du Bac, 75007, www.galerie-jeanfournier.com, du mardi au samedi 10h30-12h30 et 14h-19h
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Tu ne plieras point
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : Tu ne plieras point