Versailles, La Nouvelle-Orléans, Beyrouth : le Canadien exposé chez Karsten Greve magnifie le passage du temps ou de la catastrophe.
Paris. Robert Polidori (né en 1951 à Montréal) compte parmi les photographes régulièrement exposés dans les grandes foires internationales. Aux États-Unis où le Canadien réside, il bénéficie aussi fréquemment d’expositions monographiques dans des musées. En France, la dernière remonte à 1997, à l’Institut du monde arabe, Paris. Mises à part les deux expositions organisées depuis 2013 par la Galerie Karsten Greve à Paris, rares donc sont les occasions de voir son travail et de comprendre ce qui le meut. Pour sa troisième exposition dans l’espace de la galerie de la rue Debelleyme, la sélection revient sur quatre séries emblématiques parmi lesquelles « Versailles », entamée en 1985 et poursuivie jusqu’en 2016.
Durant toutes ces années, Robert Polidori a suivi les différentes étapes de la restauration du château. Dans ce travail il est question de l’usure du temps, dans des espaces qui sont le reflet des goûts d’une époque – et autrefois du pouvoir –, reflet aussi de leur restauration et des décisions prises pour le retour à l’état d’antan. On retrouve, au rez-de-chaussée de la galerie, ces différents aspects dans les cinq photographies de détails des boiseries du château, ou de ses cimaises dépourvues de tableaux, réalisées entre 2005 et 2008. La prise de vue réalisée systématiquement à la chambre et en lumière naturelle, couplée au tirage grand format (182,9 x 152,4 cm), donne lieu à des images d’une grande précision et d’une belle matérialité.
Une qualité également présente dans cette série réalisée à Beyrouth en 2010, avec cette chambre de l’hôtel Petra à l’abandon, marquée d’un poster de bord de mer tout aussi décati, et qui est certainement l’image la plus connue de la série. Tirée à 5 exemplaires, elle est la dernière édition dans ce format, 151,9 x 189,8 cm.
Cet intérêt constant porté à la mémoire des lieux et aux vies bouleversées par la guerre ou par une catastrophe naturelle prend véritablement toute sa dimension au dernier étage de la galerie, avec une photographie issue de son séjour effectué en 2001 dans la zone d’exclusion de Tchernobyl. Celle-ci est mise en miroir avec cinq images tout aussi puissantes issues de la série sur la dévastation causée en 2005 par l’ouragan Katrina dans la ville de La Nouvelle-Orléans (Louisiane), qui valut la même année à son auteur le prix Pictet. Ces thèmes, et leur illustration en extérieur ou en intérieur, résonnent fortement avec l’actualité et forment un bel aperçu de la ligne directrice du travail de Robert Polidori qui fait son succès depuis près de quarante ans. « Je suis depuis longtemps convaincu que les pièces sont à la fois des métaphores et des catalyseurs d’états d’âme, et qu’elles donnent donc un aperçu de l’âme de leurs occupants. […] Il était néanmoins important pour moi d’enregistrer pour la postérité un panorama de souvenirs de vies interrompues », rappelait-il dans son texte de candidature au prix Pictet.
Le prix des photographies exposées varie entre 22 000 et 24 000 euros pour la série sur La Nouvelle-Orléans, et 39 000 euros pour la série « Versailles ».
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Robert Polidori, la mémoire des lieux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°607 du 17 mars 2023, avec le titre suivant : Robert Polidori, la mémoire des lieux