Lors d’adjudications très dynamiques, les acheteurs ont préféré les artistes d’origine asiatique aux habituels poids lourds.
PARIS - Peu après le succès désormais rituel des ventes de New York, l’art contemporain passait sous le marteau à Paris. Et la capitale a profité de ce vent très favorable. « Nous bénéficions de cette bonne tendance. Mais l’impact est plutôt en termes de marché global », précise Hugues Sébilleau, spécialiste chez Artcurial. Les bons résultats ont été au rendez-vous, particulièrement chez les Anglo-Saxons. Christie’s, qui avait effectué une contre performance l’an dernier, a totalisé 17,8 millions d’euros, dans le haut de son estimation. De son côté, Sotheby’s a enregistré sa meilleure vente du soir avec un chiffre de 24,1 millions d’euros, au-delà de ses attentes. Artcurial totalise, elle, 6,2 millions d’euros, mais avec trois fois plus de lots, l’opérateur ayant regroupé ses ventes du soir et du jour, comme pour l’art impressionniste et moderne. Difficile de trouver des œuvres ? « Le “sourcing” devient plus complexe », concède son spécialiste. « Mais cela est également lié au fait que nous sommes plus sélectifs », poursuit-il.
Presque l’intégralité des lots a trouvé preneur chez les Anglo-Saxons qui enregistrent des taux de vente de 95 %. « C’est la première fois que je vois un tel pourcentage alors que je suis chez Christie’s depuis douze ans », commente Laetitia Bauduin, directrice des ventes d’art contemporain. Pourtant, les opérateurs habitués à mettre en avant leurs multiples records, n’en enregistrent qu’un seul et modeste. Chez Artcurial, un relief rouge réalisé à partir de fragments de bois de Frans Krajcberg, qui faisait la couverture du catalogue, a été cédé à un acheteur américain 187 800 euros, le double de son estimation basse. Les habituels poids lourds internationaux n’ont pas été sous le feu des projecteurs. Moins présents que d’habitude, et avec des œuvres moins importantes, ils n’ont guère brillé. Basquiat a ainsi été adjugé à l’estimation basse chez Sotheby’s (Turtle Creek, 1985), tandis que chez Christie’s, un Basquiat constitué d’une suite de noms de villes et de chiffres, est resté sur le carreau quand l’autre, également sur papier, est partie bien en deçà de son estimation. Un Abstraktes Bild de Richter exécuté en 1992 n’a pas non plus trouvé preneur chez Sotheby’s. De leur côté, les artistes français de l’après-guerre étaient bien présents sans pourtant qu’on ne recense d’œuvres phares comparables à celles proposées dans les dernières sessions. Deux huiles de Dubuffet ont malgré tout été cédées par Sotheby’s au-delà des sommes attendues : Nomade aux traces de pas dans le sable (1948) de la série des « Clowns du désert » (2,1 millions d’euros) et L’Homme au Plastron bleu (1944), conservé dans la collection de Jerome H. Stone depuis près de quarante ans (1,6 million d’euros). Contrairement à d’autres Français, le maître de l’art brut est bien représenté dans les collections américaines, et connaît un regain d’attention alors que sa cote stagnait depuis les années 1990. Chez Christie’s, c’est une création plus tardive qui était présentée, Le Polypode, exécuté en 1971 (1,4 million) alors que le cycle de l’Hourloupe est à son apogée. Du côté des artistes français, Yves Klein et Martial Raysse étaient également de la partie chez Christie’s, mais c’est une sculpture de Germaine Richier, La Jeune fille à l’oiseau (1954) qui a créé la surprise en doublant son estimation (1,2 million d’euros).
Zao Wou-Ki dope les enchères
En réalité, plus que celle des créateurs français, cette session a été celle du succès des artistes d’origine asiatique. Sotheby’s qui surpassait globalement ses confrères dans la présentation d’œuvres phares dans ce domaine, avait réuni deux œuvres de Zao Wou-Ki issues de deux collections parisiennes : de même taille, mais de couleurs différentes, elles avaient été créées en 1960 à quelques jours d’écart. Toutes deux ont dépassé les attentes, mais la peinture dans les tons jaunes l’a finalement emporté sur la bleue, avec un prix de 3,8 millions d’euros contre 2,7 millions. Pour Stefano Moreni, responsable du département chez Sotheby’s : « Le fait de présenter ces tableaux par paire permet d’entrer dans l’esprit de la création de l’artiste, à la façon d’une rétrospective. Nous avions là l’occasion de tester le marché avec des chefs-d’œuvre. Et contrairement à ce qu’on imagine, la participation internationale est très importante, pas uniquement asiatique. Le plus cher des tableaux a d’ailleurs été acheté par un Européen. » Zao Wou-Ki était également dans le catalogue de Christie’s avec une œuvre plus tardive, de 1979, vendue 817 500 euros, cette fois à un collectionneur asiatique. Chu Teh Chun était aussi très présent. Chez Artcurial, trois de ses œuvres étaient proposées, et l’une a doublé les estimations pour occuper la tête du top 10 (510 200 euros) ; chez Christie’s, où deux toiles étaient en vente, l’une, dans les bleus profonds a été cédée 721 500 euros, doublant aussi les attentes.
Pourquoi une telle présence pour ces artistes dont les plus hauts prix sont pourtant atteints en Chine ? « Le marché de ces artistes est très fort. Et beaucoup d’œuvres de ces artistes chinois ayant habité Paris ont leur origine en Europe », explique Laetitia Bauduin. « Il y a eu un énorme coup de balai sur le marché asiatique. Aujourd’hui, il s’est autorégulé et repart avec force », indique de son côté Hugues Sébilleau. « Ces deux artistes, en particulier Zao Wou-Ki, ont trouvé un point d’équilibre entre la culture asiatique et européenne. Quand on les présente à Paris, ils trouvent une plateforme internationale », indique quant à lui Stefano Moreni. Le Sud-Coréen Lee Ufan et le Japonais On Kawara ont, quant à eux, obtenu leur meilleur prix en France chez Sotheby’s.
(1) Les résultats de vente sont indiqués frais compris, tandis que les estimations sont hors frais.
ARTCURIAL
Art d’après guerre et art contemporain, le 1er juin
Résultats : 6,20 M€
Nombre de lots vendus : 91 sur 114
Taux de vente : 80 %
SOTHEBY’S
Art contemporain, le 2 juin
Résultats : 24,10 M€
Nombre de lots vendus : 29 sur 33
Taux de vente : 94 %
CHRISTIE’S
Art d’après guerre et art contemporain, le 3 juin
Résultats : 17,80 M€
Nombre de lots vendus : 36 sur 38
Taux de vente : 95 %
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Paris sous le charme de l’Asie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°438 du 19 juin 2015, avec le titre suivant : Paris sous le charme de l’Asie