PARIS
La 21e édition de la foire internationale de photo s’est distinguée par des partis pris forts et historiques ; plusieurs marchands ont réalisé des ventes remarquables.
Paris. On ne boude jamais son plaisir à Paris Photo. Cette année tout particulièrement, mémorable à plus d’un titre. En raison d’abord du nombre d’affirmations fortes, voire audacieuses, dans les choix qui font de cette édition 2017, qui s’est tenue du 9 au 12 novembre au Grand Palais, un marqueur important dans l’histoire de la foire vingt ans après sa création.
Le portrait du peintre constructiviste Heinrich Hoerle (1928, tirage de 1972) par August Sander, seule et unique pièce exposée par la galerie Julian Sander (Cologne), affirmait un parti pris fort, de même que le portrait de Barack Obama réalisé en 2016 par Katy Grannan, ou la série sur les enfants ou adolescents nus d’Ellen Brooks datant des années 1970 présentés chez Fraenkel (San Francisco). Surtout un an après l’élection de Donald Trump, le récent retour au Bundestag de l’extrême droite en Allemagne, et, plus généralement, dans le contexte de grande confusion sur ce que l’on peut ou non montrer aujourd’hui. L’actualité et les contestations subversives des années 1960-1970 ont résonné à Paris Photo. Désormais Rolf Art (Buenos Aires) ou Suzanne Tarasieve (Paris) ne sont plus les seules galeries à se faire l’écho des des résistances politiques. Miki Kratsman, à la Chelouche Gallery (Tel Aviv), ou l’Iranien Payram chez Maubert (Paris) fourbissaient leurs armes avec, pour le premier, « Targeted Killing », sur les éliminations ciblées de l’agence de renseignements israélienne du Mossad, et, pour le second, la question de l’exil, dans des solos show dignes d’une exposition muséale.
Les femmes photographes n’ont jamais été aussi présentes, toutes époques confondues, excepté pour le XIXe siècle où l’on demeure invariablement sur les mêmes noms : Julia Margaret Cameron et Gertrude Käsebier. Pour la partie contemporaine, que l’on dit (à tort) absente de Paris Photo, elles n’ont pas été en reste avec les expositions en duo Annegret Soltau/Christiane Feser (Anita Beckers, Francfort-sur-le-Main), Isabelle Le Minh/Marina Gadonneix (Christophe Gaillard, Paris), Liz Nielsen/Chloe Sells (NextLevel, Paris), ou les monographies de Lise Sarfati (La Galerie particulière, Paris), Susan Meiselas (Danziger, New York) ou Vanessa Beecroft (Caroline Smulders & Lia Rumma, Paris/Milan).
L’autre grande dominante de cette édition 2017 a été la proportion inédite de séries et vintages de haute volée. Pour la partie moderne, le retour après quinze ans d’absence de Grégory Leroy (Paris), associé à la galerie Charles Isaacs de New York, signait un des plus beaux stands en la matière. L’association de Kicken (Berlin) avec Sies Höke (Cologne) a offert par ailleurs un stand exceptionnel de photographies de Sigmar Polke. Les inédits toutes périodes et tous genres confondus n’ont de fait pas manqué, sur des stands aux sélections resserrées et aux propos en général d’une grande cohérence, y compris pour ceux qui avaient opté pour des présentations collectives. Tel le galeriste londonien Roger Saltoun au parti pris axé sur des femmes photographes qui ont bouleversé la représentation du corps (de Marina Abramovic à Francesca Woodman ou Helena Almeida). Telle encore Françoise Morin de la galerie Les Douches (Paris) où se concentraient les tirages de toute beauté de Tom Arndt, Ernst Haas et Ray. K. Metzker. Non sans de très beaux résultats de ventes, « sans précédent » depuis le début de sa participation à Paris Photo, souligne la galerie. « Je n’ai jamais rentré autant de contacts internationaux en sept ans et des ventes de 30 000 à 40 000 euros », affirme de son côté Éric Dereumaux de la galerie RX (Paris). Signalons que la fourchette de prix en photographie varie de 800 à 300 000 euros pour un vintage de Cindy Sherman issu de la série « Untitled Film Still », exposé par Fifty One (Anvers).
Américains et européens ont été en effet nombreux cette année à s’être déplacés et à s’être montrés particulièrement réceptifs aux offres pointues qui leur ont été faites. Une nouvelle fois, Paris Photo s’impose comme le seul et unique rendez-vous international des professionnels et amateurs de photographie. L’ombre de l’édition 2015, interrompue après les attentats du 13-Novembre, et l’absence en 2016 d’un certain nombre de VIP américains ou européens, appartiennent au passé.
La foire s’achève cette année sur un bilan plus que positif et affirme plus que jamais ses choix. Ce que le dernier né des salons photo, « Approche » (du 9 au 12 novembre dans un hôtel particulier du 1er arrondissement), a pris pour credo. Là encore avec des résultats pour une première édition au-delà des espérances pour ses jeunes organisatrices, Emilia Genuardi, Sophie Rivière et Léa Chauvel-Lévy, et ses quatorze artistes, dont treize représentés par des galeristes. Parmi lesquels Aurélie Pétrel (Ceysson & Bénétière), Édouard Taufenbach (Binôme) et Raphaëlle Peria (Papillon). Dès l’ouverture, on y croisait du beau monde. La sélection, qui visait à mettre en avant une création et des usages du médium inhabituels, a convaincu. Là encore la pièce unique a trouvé son public.
Aux antipodes des offres de Paris Photo et d’Approche, le salon hétéroclite Fotofever (du 10 au 12 novembre au Carrousel du Louvre) recelait quant à lui une série de photographies rares : celles de l’artiste Gianfranco Chiavacci (1936-2011) représenté par l’italienne Die Mauer (Prato) qui aurait eu toute sa place à Paris Photo.
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Paris Photo entre audace et vintages
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : Paris Photo entre audace et vintages