« Financer des projets risqués grâce au second marché ».
Pourquoi avez-vous choisi de participer pour la première fois à Tefaf Maastricht (lire p. 13 à 19) alors que vous êtes habitué aux foires d’art contemporain ?
Tefaf offre un mélange de très haute qualité et nous voulons avoir accès, à long terme, à un autre public que celui que l’on rencontre habituellement. Face à la folie actuelle du marché, certains collectionneurs d’art contemporain regardent aujourd’hui des choses plus classiques. Inversement, des amateurs d’art ancien regardent l’art actuel. Le nouveau lien de Hauser & Wirth avec Colnaghi à Londres nous a aussi décidés. Nous considérons notre présence à Tefaf comme une carte de visite et pas forcément en termes de chiffre d’affaires. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que ce soit commercialement intéressant du premier coup.
Qu’est-ce qui différencie les pièces que vous présentez à Maastricht de celles que vous envisageriez pour Bâle ou Miami ?
De Hauser & Wirth, les gens ne connaissent en général que le programme contemporain. Mais nous avons aussi une activité de second marché, importante, même si les marges sont nettement inférieures à celles de l’ordre de 35 à 50 % pratiquées sur le premier marché. Tefaf permet de rendre plus visible cette dimension-là de notre travail. Nous présenterons aussi des choses plus classiques de premier marché comme une Araignée de Louise Bourgeois, une œuvre en bronze de Paul McCarthy, un tableau de 1963 d’Eva Hesse.
Quelle est pour vous l’importance du second marché ?
Notre succès serait impensable sans le second marché. Cela nous permet de financer des projets risqués et nous donne une certaine aisance. Par ailleurs, dès que vous développez une relation privilégiée avec un collectionneur, le second marché devient un service important. S’il veut acheter, mettons un Richter, et que l’on parvient à lui en trouver un, il se rapproche encore plus de nous. Une grande partie de notre chiffre d’affaires s’effectue avec peu de collectionneurs.
La facilité de production que vous offrez est-elle toujours positive ? N’y a-t-il pas un risque qu’un artiste réclame des productions de plus en plus lourdes alors que son œuvre ne s’y prête pas forcément ?
La tentation existe, mais j’ai confiance dans nos discussions avec les artistes. Paul McCarthy ou Richard Jackson ont produit pendant trente ans. Leur pensée n’a pas changé à cause de nous. Ils ont juste pu réaliser des pièces qu’ils avaient en tête depuis longtemps. La question est plus délicate pour des artistes en début de carrière et dont le travail n’est pas mûr. Mais je constate que quelqu’un comme Christoph Büchel ne cherche pas à produire pour les besoins d’un marché ou d’une galerie.
Que vous apportent vos trois antennes londoniennes ?
Nous avons ouvert trois antennes à Londres pour donner une plus grande visibilité internationale à nos artistes, être proche du marché américain sans nous implanter aux États-Unis. Tous les conservateurs ou collectionneurs se rendent une à trois fois par an à Londres, mais ils ne viennent pas aussi souvent à Zurich. Nous avons eu l’idée du site de Coppermill au moment de l’exposition de Paul McCarthy à la Whitechapel Art Gallery en 2005. Le grand bateau ne pouvait pas rentrer dans les murs du centre d’art. Avec Coppermill, où nous présentons prochainement Martin Creed, nous pouvons permettre à nos artistes de faire des choses très radicales. La Suisse reste néanmoins très importante pour les expositions. Nous y concentrons aussi une grande partie de la logistique et du stockage.
Comment jugez-vous la flambée des prix de vos artistes ?
Il faut voir ce que l’on entend par flambée. La valeur d’une sculpture de Paul McCarthy a décuplé en sept ans. Mais Paul a une carrière de trente ans derrière lui et jusqu’en 2000 son marché était inexistant. L’envolée des prix s’avère relative puisqu’elle porte sur des pièces plus orientées « objets », des sculptures sur socle. Les prix des installations ont augmenté, mais on reste juste au-dessus, parfois même en dessous des frais de production. De même, un grand tableau de Maria Lassnig vaut 100 000 dollars, alors qu’elle a 90 ans. Les prix de Wilhelm Sasnal en galerie s’échelonnent, quant à eux, de 28 000 à 45 000 euros. En vente aux enchères, le même tableau ferait quatre à cinq fois plus. Mais nous nous battons pour garder des prix raisonnables car l’artiste est jeune et nous voulons que son œuvre entre dans des institutions. Je suis confiant dans l’avenir. S’il y a une crise, nous ne serons pas obligés de casser nos prix
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Marc Payot, directeur de Hauser et Wirth à Zurich et à Londres
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : Marc Payot, directeur de Hauser et Wirth à Zurich et à Londres