L’Est sauvera-t-il l’Ouest ? Sur le terrain économique, la chose semble entendue.
Les investisseurs chinois ont pris l’an dernier des participations importantes dans les banques Barclays, Fortis et Morgan Stanley. De son côté, l’émirat d’Abou Dhabi a investi 7,5 milliards de dollars (5,1 milliards d’euros) dans Citygroup Bank. D’après le World Wealth Report publié en juin 2007 par Capgemini et Merrill Lynch, les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) jouent un rôle cardinal dans l’économie mondiale. L’Inde et la Chine ont produit le plus grand nombre de nouvelles fortunes, un chiffre en hausse respectivement de 22,7 % et 20,3 % % par rapport à 2006. La Bourse de Mumbai (Inde) a quant à elle grimpé de 122 % pendant que d’autres places dévissaient.
Schnabel à Mumbai
Ces pays émergents vont-ils sauver le marché de l’art alors qu’une grave récession se profile en Europe et aux États-Unis ? Va-t-on assister au même découplage que certains économistes prévoient sur le plan financier ? Tout porte à le croire, même si les millionnaires ne se muent pas en collectionneurs du jour au lendemain. C’est au combat entre un Russe, Roman Abramovitch, et un Taïwanais, Pierre Chen, que l’on doit le prix mirobolant de 86,22 millions de dollars généré par le triptyque de Francis Bacon en mai à New York. Au premier semestre, Christie’s a accusé une baisse de 1 % pour ses ventes aux États-Unis alors que les vacations organisées au Moyen-Orient et en Asie ont progressé de 81 %. Le Louvre et le Guggenheim à Abou Dhabi devraient initier leurs achats cet automne, ce qui promet un sérieux coup de fouet au marché. D’après Mikhaïl Kamenski, directeur du bureau de Sotheby’s à Moscou, un millier de Russes sont prêts à miser plusieurs millions de dollars dans l’art. Certains ont redressé le marché moribond de la peinture XVIIIe, tout en dynamisant celui de l’expressionnisme allemand. De leur côté, Indiens et Chinois sont de plus en plus visibles dans les allées des foires d’art contemporain. C’est un client du sous-continent qui a emporté une grande pièce de Wim Delvoye chez Arndt & Partner (Berlin) à la Foire de Bâle en juin dernier. En août, Sotheby’s a même mandé en Inde quelques pièces de la vente Damien Hirst. De son côté, la galerie Bodhi Art envisage prochainement une exposition de Julian Schnabel dans son espace de Mumbai.
Mais, dans le même temps, le magazine India Today souligne que 74 % des Indiens estiment leur culture supérieure à celle des autres nations. Alors pourquoi troqueraient-ils Subodh Gupta contre Damien Hirst ? N’allons donc pas plus vite que la musique. Le Guggenheim à Abou Dhabi va principalement concentrer ses achats sur des artistes asiatiques et du Moyen-Orient, non sur les dernières créations de l’Ouest. N’oublions pas qu’un patriotisme farouche et un sentiment diffus de revanche sur l’Occident animent la plupart des pays en voie de développement. Certes, les acheteurs asiatiques enchérissent sur les valeurs sûres de l’art occidental. Mais ils se désintéressent des œuvres moyennes ou des créateurs en milieu de carrière, le segment du marché qui manque cruellement de clients. L’intervention de ces nouveaux venus dopera donc les prix, déjà mirobolants, dans le haut du pavé, sans vraiment influer sur le reste du marché. Si la chute de la Bourse de Shanghaï ne change pas la donne...
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
À l’Est du nouveau
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°287 du 19 septembre 2008, avec le titre suivant : À l’Est du nouveau