PARIS
Cinq ans après la vente Bourdon, le commissaire-priseur Me Loudmer poursuit Libération et le journaliste Vincent Noce au sujet de trois articles fort critiques à l’égard de sa gestion du produit de la vacation. Le procureur a indiqué que le parquet s’intéresse "au plus haut point" à la vente Bourdon et à ses suites.
PARIS - La vente des tableaux Bourdon, qui a réalisé 509 millions de francs à Drouot le 25 mars 1990, et les désaccords financiers qui en ont découlé, se sont à nouveau trouvés sur la sellette le 22 mars, devant la première chambre du tribunal de grande instance de Paris. Le commissaire-priseur Me Guy Loudmer, qui avait dirigé la vente, poursuivait le journal Libération, ainsi que le journaliste Vincent Noce, pour diffamation, au sujet de trois articles parus en juin et en décembre de l’année dernière.
Trésorier jusqu’en 1991 de l’association Bourdon, un organisme de gestion destiné à la protection des animaux et à la promotion du mécénat artistique grâce au fabuleux produit de la vente Bourdon, le commissaire-priseur réclame 300 000 francs de dommages et intérêts. Selon Me Thierry Lévy, l’avocat de Me Loudmer, les articles de Vincent Noce affirment "que 100 millions de francs provenant de la vente ont disparu et que le commissaire-priseur est incapable d’expliquer ce trou.
" Le journaliste, selon Me Lévy, "qui cherchait à nettoyer le monde des ventes publiques", s’est comporté "comme un substitut de juge d’instruction", en désignant Me Loudmer comme responsable du trou financier, et s’est pour ce faire fondé sur un audit demandé par l’association Bourdon à la société de conseil Price Waterhouse.
Poser une bombe à l’Étude
Ce rapport, plaide Me Lévy, intervenait dans un tout autre procès, diligenté l’année dernière par les Bourdon contre un notaire, Me Alain Gobin, et ne concernait pas Me Loudmer. Coupable d’une véritable "campagne de diffamation", selon Me Lévy, Libération n’avait même pas attendu la décision du tribunal sur la nature diffamatoire de ses premiers articles parus en juin, qui mettaient en cause Me Loudmer, pour publier des "informations similaires" en décembre. "Me Loudmer est un homme irréprochable," a-t-il insisté. "Or l’article dit qu’il fait mal et salement son travail... Si on venait poser une bombe à la porte de l’Étude Loudmer, on ne lui ferait pas plus de tort."
Pour la défense, Me Jean-Paul Lévy a affirmé que le rôle du journaliste, loin d’être comparable à celui d’un juge d’instruction, consiste "à porter la plume dans la plaie quand il le faut." "À aucun moment on n’a accusé Me Loudmer. On émet des hypothèses, on essaie d’expliquer le décalage entre les sommes d’argent", a plaidé Me Lévy, pour qui les articles de Vincent Noce sont des "comptes rendus de bonne foi sans déformation", où il n’y a pas d’intention de nuire à Me Loudmer. Selon l’avocat de la défense, les articles mis en cause n’imputent aucun fait au commissaire-priseur, et ne contiennent rien qui puisse "porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne."
Pour Me Jean-Paul Lévy, il ne peut donc y avoir diffamation. Le fait d’avoir publié un troisième article en décembre relève de la simple liberté de la presse, qui ne saurait être entamée par une procédure en justice. Pour sa part, le Procureur a préféré ne pas se prononcer au sujet de la diffamation, mais il a signalé à la présidente que le parquet avait "décortiqué" les articles de Libération dès leur parution, et qu’il s’intéressait "au plus haut point" à la vente Bourdon et à ses suites. Le jugement sera rendu le 17 mai.
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Les suites de la vente Bourdon : Me Loudmer contre Libération
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : Les suites de la vente Bourdon : Me Loudmer contre Libération