Folie

Les prescriptions du docteur Hirst

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 5 novembre 2004 - 701 mots

La vente « Pharmacy », savamment orchestrée, a rapporté 16 millions d’euros.

LONDRES - Le 18 octobre, Sotheby’s a organisé un événement sans précédent en livrant aux enchères 168 lots créés par Damien Hirst. Mis en vente par l’artiste lui-même, ceux-ci provenaient de Pharmacy, le restaurant qu’il avait ouvert en 1998 avec Matthew Freud à Notting Hill, à Londres, et qui a fermé en 2003.
On retrouvait tout au long du catalogue les œuvres originales autour desquelles avait été conçu le style propre à Pharmacy : les cabinets médicaux, les tableaux Butterfly ou la sculpture à structure moléculaire ornant l’imposte surmontant la porte d’entrée du restaurant. S’y mêlait une abondante sélection de souvenirs  – tables à cocktail, tabourets de bar, services de table, gobelets, socles de lampe, bougeoirs, boîtes d’allumettes, cendriers, rouleaux de papier peint –, objets tous issus de l’imagination de Hirst. L’ensemble de la vente s’est soldé par le résultat tout à fait stupéfiant de 11 132 180 livres sterling (16 128 919 euros).
Le lot ouvrant la vacation a donné le ton pour la suite des enchères : deux verres à Martini, estimés entre 50 et 70 livres, conçus par Hirst en 1997 mais fabriqués spécialement pour cette vente événement, ont atteint 4 800 livres (6 955 euros). Anne Faggionato, galeriste à Londres, a payé 1 200 livres (1 739 euros, est. 50-70 livres) un lot de sept bougeoirs, 12 000 livres (17 386 euros, est. 1 200-1 800 livres) six chaises Jasper Morrison, 1 680 livres (2 434 euros, est. 30-40 livres) une salière et sa poivrière, et 1 440 livres (2 086 euros, est. 200-300 livres) pour des invitations à un anniversaire.
Anthony d’Offay a acquis la rampe d’escalier du restaurant pour 9 000 livres (13 040 euros, est. 2 500-3 500 livres). Polly Robinson, marchand indépendant, a emporté quarante rouleaux de papier peint doré pour 9 600 livres (13 909 euros, estimés entre 4 000 et 6 000 livres) et l’ensemble des quatre portes Spot pour 48 000 livres (69 545 euros, estimées chacune 2 000-3 000 livres). Le galeriste londonien Paul Stolper a fait main basse sur les deux enseignes au néon du restaurant, au prix de 66 000 livres (95 624 euros, est. 3 000-4 000 livres) pour Prescriptions et de 78 000 livres (113 011 euros, est. 3 000-4 000 livres) pour Pharmacy Restaurant Bar.
Les œuvres d’art de plus grande valeur ont également fait l’objet de luttes acharnées. The Fragile Truth, l’un des deux grands cabinets médicaux décorant les vitrines du restaurant à hauteur de rue, a été acquis par Harry Blain, le directeur de la galerie Haunch of Venison, pour 1 237 600 livres (1 793 103 euros, est. 400 000-600 000 livres), l’enchère la plus élevée de la soirée et de loin l’adjudication la plus haute pour cet artiste. Un enchérisseur au téléphone a enlevé son pendant, The Sleep of Reason, pour 1 069 600 livres (1 549 696 euros, est. 400 000-600 000 livres), contre Jose Mugrabi, l’un des plus actifs enchérisseurs. Il a acquis deux cabinets plus petits (lots 29 et 58), un tableau Butterfly (lot 155), les deux squelettes (lots 59 et 60), la maquette de la Molecular Structure (lot 69) et l’une des vitrines de Pharmacy (lot 118), et enchéri en vain pour un autre cabinet (lot 46), deux tableaux Butterfly (lots 112 et 153), la seconde vitrine de Pharmacy (lot 41) et le parquet en bois du restaurant (lot 44).
Au total, le catalogue offrait dix tableaux Butterfly de couleurs et de formats variés. Le marchand londonien Timothy Taylor a emporté Full of Love pour 364 000 livres (527 383 euros, est. 120 000-150 000 livres), contre Harry Blain, tandis que le conseiller de Bernard Arnault, Michel Strauss, manquait de peu Love-A-Dub-Dub (même estimation) pour lequel un enchérisseur au téléphone déboursait la même somme.
Le château de Mentmore Towers, le « Nanking Cargo », la succession Andy Warhol, les bijoux de la duchesse de Windsor : ces ventes qui ont constitué des morceaux d’histoire aident à comprendre, mais sans l’expliquer totalement, le succès phénoménal de la vente « Pharmacy », qui aura été aussi un vote de confiance du marché retentissant pour Damien Hirst.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°202 du 5 novembre 2004, avec le titre suivant : Les prescriptions du docteur Hirst

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