Foire & Salon

GALERIES ÉTRANGÈRES

Les galeries étrangères mènent le jeu

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2024 - 1022 mots

PARIS

Plus de 100 galeries d’art étrangères présentent des œuvres de tous horizons.

Paris. Le secteur principal d’Art Basel rassemble, outre la soixantaine d’enseignes disposant d’espaces en France, plus de 100 galeries étrangères, dont près de 40 provenant du continent nord-américain, cinq d’Amérique du Sud, une dizaine du continent asiatique, et outre une poignée de galeries du Maghreb et d’Arabie saoudite, un fort contingent de galeries basées sur le Vieux Continent. Une trentaine d’entre elles intègre ce secteur, au nombre duquel Casey Kaplan (New York), qui présente en exclusivité l’artiste textile sud-africain Igshaan Adams. Tandis que Sfeir-Semler (Hambourg, Beyrouth), que l’on peut voir la semaine précédente à Frieze London, expose un panel important d’artistes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, tels que Samia Halaby, Walid Raad, Wael Shawky, Tarik Kiswanson et Taysir Batniji, dont plusieurs œuvres sont actuellement présentées au MAC Lyon, dans le cadre de la Biennale de Lyon.

Parmi les sensations de la foire, le monumental phare Power Tower (2005/2023) d’Ólafur Elíasson (voir. ill.), un empilement lumineux de formes géométriques, s’élève à quatre mètres de hauteur, dépassant les cimaises de neugerriemschneider (Berlin), tandis que la peinture grand format Globol Spex groupie de luxe (1994) de Michel Majerus – présentée en 1996 à la Kunsthalle de Bâle pour sa première exposition institutionnelle – occupe toute la largeur du stand. Capitain Petzel (Berlin) entend pour sa part mettre en avant des travaux exprimant des « préoccupations sociopolitiques », comme la peinture abstraite d’Amy Sillman ou les œuvres symboliquement « engagées » de Monica Bonvicini, Jack O’Brien et Andrea Bowers. Mais son accrochage s’ancre sur deux tableaux de Maria Lassnig (1919-2014) et de Martin Kippenberger (1953-1997) : des pièces « intemporelles », proposées jusqu’à 1,5 million d’euros. Le stand de Peter Freeman Inc (New York) comprend, outre une sélection d’œuvres d’artistes de la galerie, une paire de dessins de Cy Twombly et une peinture de Sigmar Polke (pour des prix allant de 22 000 euros à 1,1 million d’euros). La galerie présente également un nouveau bronze de Thomas Schütte, Tribute to Moondog (2024), au jardin du Palais-Royal, dans le cadre du programme public. Cette installation coïncide avec sa réouverture à Paris dans de nouveaux locaux (au 7, rue de Montpensier, face à l’entrée du jardin) : le lieu entrebâille ses portes le temps d’une exposition éphémère, avant de rouvrir au printemps 2025.

Attention aux sortilèges : Pace (New York) a confié la scénographie de son stand à l’artiste Paulina Olowska, qui explore dans son travail le thème de la sorcellerie autour de la figure de la Mamuna, à mi-chemin entre le démon femelle et le lutin espiègle, thème également présent dans les œuvres de Kiki Smith, Lucas Samaras et Louise Nevelson. Chez Bortolami (New York), une installation historique de Renée Green datant de 1990, intitulée Seen est au cœur du stand, qui comporte aussi une peinture de Daniel Buren datant de 1966, année où il a commencé à utiliser ses rayures caractéristiques (1,5 million de dollars).

Côté valeurs sûres, on trouve, sur le stand de Vedovi (Bruxelles), des œuvres de René Magritte (Le Sourire du diable – 3 900 000 €) ; de Lucio Fontana (Concetto Spaziale, 1960, 520 000 €) et de Tom Wesselmann – un tableau de la série « Smoker » dont le prix n’est pas divulgué ici. Acquavella (New York) promet un accrochage étourdissant avec, parmi les œuvres les plus remarquables, Yellow Panel with Red Curve (1989) (voir ill.), un tableau important d’Ellsworth Kelly, la Tête de femme penchée (Lorette) (1916-1917) d’Henri Matisse, Arlequin (1935) de Joan Miró, Big Snow (1984), une toile de Jean-Michel Basquiat rendant hommage à l’athlète olympique Jesse Owens, et Double Scoop (1998) de Wayne Thiebaud, qui a fait la couverture du New Yorker en 2020. Quant à la galerie Landau Fine Art (Montréal), c’est dans l’écrin d’un extraordinaire portail en bois de cèdre de 3,5 mètres de haut, constitué de 16 panneaux sculptés à la main, qu’elle présente ses trésors : des chefs-d’œuvre signés René Magritte, Joan Miró, Pablo Picasso, Jean Dubuffet et une rare peinture d’Alexej von Jawlensky (Spanische Tänzerin, 1909), récente acquisition de la galerie.

Les résonances avec l’actualité institutionnelle ne manquent pas. La galerie Konrad Fischer fait ainsi référence à l’exposition « Arte Povera » de la Bourse de commerce avec des œuvres de Mario Merz et Giuseppe Penone ainsi qu’à la rétrospective de Thomas Schütte au MoMA (prix jusqu’à 400 000 €).

Voit-on cependant des œuvres de jeunes artistes sur les stands des galeries étrangères de cette édition d’Art Basel Paris ? Oui, par exemple chez Barbara Wien (Berlin), ce dessin (5 500 €) et cette sculpture en forme de valise The Weight of thought (24 000 €) de Walter Price, qui a intégré la galerie Zwirner en mai dernier, et dont la cote pourrait bien grimper. Sur ce stand, on découvre également une installation de tissus teints avec du curcuma d’un tout jeune artiste, Dan Lie, récompensé par le prix de la National Gallery 2024.

Parmi les solos à signaler, celui qu’Eva Presenhuber (Zurich, Vienne) consacre à l’artiste Tschabalala Self, qui se penche sur la signification iconographique du corps de la femme noire dans la culture contemporaine. L’installation, intitulée My House, hommage à une Parisienne fictive d’origine africaine, comprend deux sculptures, plusieurs peintures et des objets d’art fonctionnels sous forme de meubles. « Empruntant à l’esthétique post-impressionniste des peintres français modernistes, comme Henri Matisse, j’ai créé un environnement inquiétant, représentant une fausse maison », explique Tschabalala Self (prix entre 160 000 et 325 000 €).

Une dizaine de stands partagés permettent à des galeries de diviser les frais. Celui qui réunit les galeries LambdaLambdaLambda (Pristina) et Miyako Rosen (Tokyo) préfigure l’ouverture prochaine de leur espace à Paris (les deux galeries partagent déjà une adresse à Bruxelles). La galerie tokyoïte montre notamment une peinture abstraite de grand format de Trevor Shimizu, Color Field (One), 2024 (65 000 $).

Enfin plusieurs galeries étrangères ont saisi l’opportunité du parcours « Oh La La ! » qui les incite à montrer de nouvelles œuvres pendant le week-end. Plan B y prend part avec des œuvres d’Anca Munteanu Rimnic, dont la performance de longue durée Frame est interprétée vendredi et samedi par un acteur allemand « connu » venu en guest-star.

Art Basel Paris 2024,
du 16 au 20 octobre, Grand Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°640 du 4 octobre 2024, avec le titre suivant : Les galeries étrangères mènent le jeu

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