PARIS
Plus qu’une collection de galeristes, la collection Cavalero est celle d’amateurs aux choix guidés par l’instinct et l’affect. Cet ensemble de plus de trois cents œuvres qui retrace l’histoire de la seconde école de Paris sera dispersé le 24 novembre à Drouot par Calmels, Cohen et Artus Enchères.
PARIS - Le destin de marchands et d’amateurs de Christie et Lionel Cavalero est surprenant à bien des égards : l’histoire d’un couple de plagistes devenus galeristes et collectionneurs est suffisamment incongrue dans le petit monde du marché de l’art pour mériter d’être détaillée.
L’épopée commence en 1947. Au lendemain de la guerre, Lionel Cavalero, alors kinésithérapeute, et sa femme Christie, professeur de natation, ouvrent une plage à Golfe-Juan. Entre crèmes glacées et pédalos, ils dispensent des leçons de natation aux enfants de vacanciers plus ou moins anonymes. Parmi leurs clients, Pablo Picasso, qui signe pour les plagistes un billet de mille anciens francs, et le sculpteur Claude Viseux qui leur propose de payer les leçons de ses enfants avec une œuvre. L’idée séduit les Cavalero, et c’est ainsi que débutent leurs rapports à la création contemporaine. Le couple est par ailleurs amateur d’art, il fréquente les salles de vente parisiennes et possède quelques toiles du XIXe siècle. Une mésaventure rencontrée avec une œuvre de Trouillevert que les Cavalero avaient revendue et qu’ils retrouvèrent chez un marchand monégasque, privée de sa signature et affublée d’une attribution à Corot, acheva de les convaincre de se tourner vers les artistes vivants. L’été suivant, les Cavalero procèdent à quelques changements sur leur plage : ils maintiennent leur activité, mais transforment les murs de leur bar en cimaises. Désormais, les baigneurs se restaurent devant des œuvres d’Atlan, de Boumeester, Viseux... Certains en achètent même. Dès 1959, l’amitié qui les lie à Christine Boumeester les encourage à lui proposer un contrat : ils mettent au point un système de cotisations qui permet aux adhérents d’acheter à moindre prix une œuvre de l’artiste accompagnée d’une lithographie. C’est là le début des activités de marchands d’art du couple de maîtres nageurs.
L’année suivante, la galerie Cavalero ouvre à Cannes. Les œuvres de Christine Boumeester inaugurent des locaux qui recevront en vingt ans plus d’une centaine d’expositions. De rencontres en amitiés, les galeristes soutiennent des artistes qu’ils apprécient, indépendamment de toute notion d’école ou de groupe. Ils exposeront des artistes aussi divers que Serge Poliakoff, Sonia Delaunay, Natalia Dumitresco, Claude Viseux ou François Arnal. “Les Cavalero avaient, pour principe d’organisation, leur sensibilité. Ce critère-là en vaut bien d’autres”, résume le critique d’art Pierre Descargues dans le catalogue de la vente.
Les Cavalero ont cédé leur galerie en 1980. Ils n’ont cependant pas cessé d’enrichir leur importante collection, dont le fonds historique fut exposé en 1985 au Musée Ingres de Montauban. Cet ensemble comprenant plus de trois cents œuvres de quatre-vingts artistes est comparé par Marie-Laure Amrouche, expert de la vente avec Guy Loudmer, à “une fenêtre incontestable sur la deuxième école de Paris, véritable reflet de la vie artistique française de la seconde moitié du XXe siècle”. Elle distingue dans la vente trois catégories d’œuvres correspondant à des valeurs artistiques et marchandes. Celles-ci sont le fruit de peintres de renommée internationale, des grands noms de la seconde moitié du siècle, et d’artistes aujourd’hui méconnus. Parmi les pièces phares se trouvent trois tableaux de Picabia : Femmes au bull-dog (estimée 250 000-350 000 euros), Ergo (150 000-200 000 euros) et Le Négateur du hasard (100 000-150 000 euros). Deux tableaux de Sonia Delaunay, Prisme électrique (350 000-450 000 euros) et Rythme couleur (150 000-200 000 euros), ainsi que les toiles de Serge Poliakoff, devraient également retenir l’attention des collectionneurs internationaux. La majeure partie du catalogue est composée de noms à la notoriété importante. S’y trouvent ainsi réunies des œuvres de Fautrier, de Bryen, d’Hartung, de Dominguez, de Schneider...
La postérité n’a bien entendu pas entériné tous les choix des marchands, c’est le risque encouru par des galeristes qui “vendent du neuf”, selon l’expression de Lionel Cavalero, et certains des artistes sont désormais passés de mode. Les œuvres de Biro, Dumitresco, Gastaud ou Rhee sont très modestement estimées, car très peu recherchées des amateurs. Enfin, les Cavalero ont choisi de disperser cet ensemble sans prix de réserve afin de donner à la vacation un peu de l’esprit qui a prévalu à la constitution de leur collection.
Calmels, Cohen et Artus Enchères, dimanche 24 novembre à 14 heures, Drouot-Richelieu, 9 rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 47 70 87 29.
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Les Cavalero se séparent de leurs coups de cœur
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°159 du 22 novembre 2002, avec le titre suivant : Les Cavalero se séparent de leurs coups de cœur